dimanche 1 novembre 2009

Mon rituel funéraire

Mes dernières volontés

Le jour où je partirai
et qu'il ne restera que ma carcasse
brûlez-la et recueillez les cendres

Mettez-les dans un sac d'épicerie
(en papier kraft, je n'aime pas le plastique)
et louez un salon de thé

Placez le sac sur un guéridon
au milieu du salon
et invitez mes amis
à venir danser autour

En buvant et se moquant de mes travers
en récitant des vers
et en bramant des chansons grivoises

Puis, rangez le sac dans l'armoire à débarras
et demandez à ma femme
si elle veut m'y rejoindre
lorsque son heure sera venue

Si elle veut bien,
quand viendra le temps
placez son sac à côté du mien
bien collés l'un sur l'autre

Alors, au printemps suivant,
versez les sacs l'un dans l'autre
sauf une pincée de nos cendres
que vous conserverez
dans deux petits pots séparés

Par un matin de grand soleil
apportez une pelle ronde
et recherchez un champ de pissenlits

Brassez le sac vigoureusement
pour bien mêler les cendres
puis versez-les dans la pelle

Et, d'un seul grand mouvement circulaire
projetez-les tout autour de vous

C'est ainsi que nous continuerons
à voir rouler les nuages
et scintiller les étoiles
tout en ventilant nos âmes

Mais ce n'est pas tout
au milieu des cendres ainsi répandues
creusez deux petits trous rapprochés

Versez dans chacun des petits pots
(ceux des pincées, vous vous souvenez,)
une graine, une seule
de coquelicot rouge pour moi
de marguerite blanche pour ma femme

Brassez un peu pour bien mêler
les graines aux cendres,
versez séparément
dans les deux petits trous
et recouvrez de terre

Puis arrosez un peu
une larme suffirait
à tenir lieu d'engrais

Telle que je connais ma femme
la marguerite en poussant
viendra se lover autour du coquelicot.

Et je signe, devant témoins,

Québec, le 1er novembre 2009

Jean Marcoux