mercredi 21 avril 2010

Conversation de printemps

Conversation d’un matin de printemps
avec mon voisin de balcon


- Comment ça va ce matin ?
- Ça va, ça va bien

- Et les ruisseaux ?
- Ça gargouille

- Et la pluie ?
- Bien ça mouille

- Et les arbres ?
- Ça bourgeonne

- Et les mers ?
- Ça moutonne

- Et les lapins ?
- Ça grignote

- Et les rongeurs ?
- Ça marmotte

- Et les vaches ?
- Ça rumine

- Et les poètes ?
- Bien ça rime


- Et les écrivains ?
- Ça scribouille

- Et les politiciens ?
- Ça grenouille

- Et tes vieux ?
- Ça radote

- Et les tiens ?
- Ça chipote

- Ainsi donc je vois
Que ça va, ça va bien

- Oui, l’air s’adoucit
Et puis l’été s’en vient

Ainsi l’autre matin
Avons-nous causé

Moi et mon voisin
Tout en vidant nos bières

Avant d’aller poser
Nos portes moustiquaires

lundi 12 avril 2010

Lettre au pape

Cher pape,

Il faut bien se rendre à l’évidence, votre Église prend l’eau de toutes parts en Occident. Passez-moi l’expression, elle s’en va au diable. Pas besoin de vous en faire la démonstration, vous n’avez qu’à vous arrêter un petit moment sur la désaffection de vos églises. Vous m’objecterez peut-être la foi des Américains mais regardez un peu les dérives que prend cette foi: la multiplication des nouvelles «églises», comme l’église de la scientologie, qui poussent à tous les coins de rues. Tous ces «preachers» qui, au nom du christianisme, lancent des sectes à gauche et à droite, pour le pognon bien entendu mais qui vous ravissent quand même votre clientèle. Et ces attardés mentaux qui, encore au XXIe siècle, prêchent le créationnisme.

Vous direz peut-être que votre Église a encore le vent dans les voiles en Amérique latine et en Afrique mais attendez un peu que ces gens s’instruisent et il arrivera ce qui est arrivé ici au Québec : une société ultra catholique et conservatrice qui s’est émancipée et qui a déserté ses églises dès que, avec «La révolution tranquille» des années 60, on a ouvert toutes grandes les portes des établissements d’enseignement.

Non vraiment, votre Église n’a pas d’avenir. Comme c’est parti là, elle s’en va droit dans le mur. D’ailleurs, vous le savez bien, vous qui avez des lettres : tout passe (Ta panta rei, comme disait ce vieux philosophe grec Héraclite), les religions aussi bien que les empires. Mais, en attendant, pourquoi ne pas lui donner un nouveau souffle à cette vieille Église qui est la vôtre? Hein, pourquoi pas?

Avec tout le respect qui vous est dû, je me permettrai de vous faire quelques suggestions pour sauver les meubles. Des suggestions toutes simples vous verrez.

Au départ, disons que la règle de base serait la recherche de moyens pour amener vos fidèles à être le plus heureux possible. Alors voilà quelques mesures pour mettre cette règle en application.

1o Descendez le Christ de sa croix. L’image d’un crucifié est morbide et du plus mauvais goût. Les «britiches» diraient shocking. D’autant plus que, suivant la légende, la victime est censée racheter par son geste le péché commis par nos arrières-arrières-arrières grands-parents. Et qui aurait consisté à croquer une pomme. Voyons donc! Une histoire invraisemblable pour entretenir chez l’homme un sentiment de culpabilité tout à fait contraire à la règle de base posée au départ. Puis les enfants, avez-vous pensé aux enfants? C’est une image aussi violente que le Grand Méchant Loup en train de manger le Petit Chaperon rouge. Alors, pas d’hésitation, descendez Jésus de sa croix et laissez-le tranquille dans sa crèche de Bethléem.

2o La transsubstantiation : faire croire aux gens que lorsqu’ils communient, ils mangent le corps d’un homme mort il y a deux mille ans. C’est ni plus ni moins que de l’anthropophagie, vous rendez-vous compte? Et nos pauvres enfants, encore une fois, à qui on enfonce ces absurdités dans le crâne. À tout prendre, le Petit Poucet me paraît encore plus vraisemblable.

3o L’enfer. Le feu éternel. Comme si on avait le cul sur le rond du poêle. Et pour l’éternité, avec cette grosse horloge qui répète sinistrement et inlassablement «Toujours (rester), Jamais (sortir)». Qu’est-ce qui a pris à votre sainte Église d’inventer une histoire pareille? J’en ai encore des frissons quand je pense à nos prédicateurs du carême qui nous menaçaient de cette géhenne éternelle si nous avions le malheur de tripoter un peu les fesses de nos petites voisines en jouant au docteur. Même vos théologiens ne croient plus à Satan et son maudit trident. C’est du sadisme de la pire espèce, complètement à l’encontre de la règle de base. Alors, je vous en supplie, débarquez-moi ça de votre Crédo et ça presse.

4o Le carême, la pénitence, la confession, le jour des morts, le Dies irae et j’en passe, toutes des affaires teintées de jansénisme. Vite, débarrassez le plancher.

5o Le célibat des prêtres. Quelle foutaise! Pas étonnant que vous ayez tous ces scandales de pédophilie sur les bras. À abolir évidemment. Il y a un tas de religieuses qui ne demanderaient pas mieux que de devenir des Madame-curés. Et quant à y être, il serait grand temps que vous permettiez aux femmes de devenir elles-mêmmes curés. Cette interdiction relève d’un sexisme complètement dépassé de nos jours.

6o Par contre, le Paradis, oui, ça c’est une bonne idée. Allez, ouste : le paradis pour tout le monde. Pas de bousculades, avancez en arrière! Imaginez, le pique-nique éternel. Ça risque d’être un peu long et les sandwiches vont peut-être finir par goûter fade mais faut maintenir ça, même si vous n’y croyez pas plus que moi. C’est très bon pour le moral.
Vous m’objecterez peut-être que les méchants recevraient le même traitement que les bons. Pas de problème : annoncez que les bons auront des places V.I.P. et que les méchants devront se contenter du haut des gradins, dans le «pit», comme on dit chez nous. Ne soyez pas trop dur quand même. Dites-leur que tout le monde pourra descendre sur la glace de temps en temps pour disputer un match de hockey aux anges mais que les méchants se feront tasser sur les bandes et tabasser par les anges les plus costauds.

7o Même chose pour les fêtes de Noël et de Pâques. À maintenir absolument, ne serait-ce que parce que les enfants adorent les cadeaux et le chocolat.

8o Savoir que ça ne vous priverait pas trop, je vous suggérerais d’organiser un gigantesque marché aux puces pour liquider tous les trésors et babioles qui encombrent le Vatican. Puis de distribuer aux pauvres le produit de la vente. Imaginez simplement toutes ces vieilles tiares et mitres mises à l'enchère et même la papamobile. Ça rapporterait des fortunes. Un coup de pub sans précédent.

9o Et surtout, surtout, cessez de déconseiller l'usage du condom à ces pauvres Africains qui se meurent du sida. C'est criminel ce que vous faites là.

Bon, je n’irai pas plus loin avec mes suggestions car je pense que vous avez saisi l’idée générale: changer l’image austère de l’Église pour une image de joie, de bonheur. Je vous jure qu’avec ça, l’Islamisme n’a qu’à bien se tenir.

Et, pour lancer le mouvement, je vous suggère de rassembler tout ce qui porte mitre, barrette, calotte et chasuble pour leur annoncer la bonne nouvelle. Peut-être même, pour la circonstance, devriez-vous, vous-même, porter un jean. Il s’en fabrique de très beaux aujourd’hui, vous savez. En denim. Et des babouches aux pieds, tiens. Le Christ ne se promenait-il pas pieds nus? Ça donnerait le ton.

Puis, pour donner suite, une lettre pastorale dans laquelle vous intimeriez à tous les curés de la terre l’ordre de rappeler à leurs ouailles que leur premier devoir est de rechercher le bonheur ici-bas pour eux et pour leur prochain. Au cas où il n’y aurait pas d’après-vie. Une sorte de pari de Pascal mais à l’envers.

Le tout humblement soumis.