mercredi 13 juillet 2011

Le bestiaire de la Voie lactée

Touristes de l’Univers – Chapitre 11

Le lendemain matin, nous avons pris un joyeux petit déjeuner sur l’immense galerie baignée de soleil de La petite Madeleine. Puis, avant de partir, nous sommes encore restés un long moment sur notre perchoir en admirant au loin le fleuve (qu’on appelle là-bas «la mer» tant il est large à cette hauteur) scintillant sous nos yeux dans son cadre de montagnes bossues densément peuplées de conifères et de feuillus.


Puis, soudain, rompant le silence, Minouchka me lança :
- Tu nous as dit, n’est-ce pas, que les étoiles de la Voie lactée étaient en quelque sorte d’autres soleils et que ce n’était qu’à cause de leur distance qu’elles ne nous paraissaient que comme de petites loupiotes ?
- Oui, c’est bien ça.
- Est-ce à dire que toutes les étoiles de la Voie lactée ressemblent au soleil ?
- Non, pas du tout. Les étoiles sont aussi différentes les unes des autres que le sont les êtres vivants sur la terre. Laissez-moi vous dire un mot de quelques-unes de ces lucioles qui crèvent la nuit noire.
Parmi les étoiles que compte la Voie lactée, il y a, entre autres:
- des étoiles de type solaire qui sont des étoiles ayant à peu près la taille (un à deux millions kms de diamètre) et la brillance du soleil. Ces étoiles brûlent leur carburant (principalement hydrogène et hélium) modérément et survivent quelques milliards d’années (environ dix milliards dans le cas du soleil). «Modérément» est une façon de parler car le soleil brûle ses réserves à raison de 4,3 millions de tonnes par seconde dans une pétarade de grondements terrifiants. Néanmoins, compte tenu de leurs immenses réserves de carburants, ces étoiles tiendront le coup pendant une dizaine de milliards d’années. Ainsi on peut dire que le soleil est à la mi-temps de sa vie comme nous l’avons vu précédemment ;
- des étoiles géantes qui, pour leur part, ont un diamètre pouvant atteindre 100 millions de kms. Mais ces géantes brûlent goulûment leurs réserves de carburants de sorte qu’elles ont une vie relativement courte d’à peine quelques millions d’années qui se termine dans une apothéose de bruit et de lumière. Ces géantes ont quand même réussi, durant leur «courte» vie à fabriquer tous les éléments lourds qui constituent l’ensemble de la matière de l’Univers, y compris vous et moi. Lors de leur explosion finale, (on les appelle alors des supernovae) elles projettent dans l’espace tous les éléments qu’elles ont fabriqués durant leur existence et ensemencent ainsi l’Univers pour y permettre l’émergence des multiples formes de la matière inerte et même, éventuellement, de la vie et de la conscience ;
- des étoiles de masse et de brillance bien inférieures à celles du soleil et qui brûlent parcimonieusement leurs réserves de carburant pour survivre bien au-delà des dix milliards d’années du soleil ;
- des géantes rouges dont le diamètre peut atteindre un milliard de kms, donc 500 à 1000 fois le diamètre des étoiles solaires. Par contre, la durée de vie des géantes n’est que de 100 millions d’années alors que celle des étoiles solaires est d'environ 10 milliards d’années. Il faut dire que les géantes rouges sont des étoiles en fin de vie. C’est le sort qui attend le soleil qui enflera démesurément avant de s’éteindre ;
- des étoiles à neutrons ou pulsars qui sont les cadavres des étoiles géantes. Petit diamètre de 20 kms mais si compactes qu’une cuillerée de leur matière pèserait des tonnes. Elles pirouettent à grande vitesse tout en émettant des signaux lumineux comme des phares (elles «pulsent» d’où leur nom de «pulsars») ;
- des naines blanches qui sont les cendres des étoiles stellaires ;
- des naines brunes qui sont des étoiles ratées, de faible luminosité ;
Etc., etc.



- Es-tu en train d’oublier les planètes qui, elles aussi, nous envoient de la lumière, intervint Simon ?
- Oui, bien sûr. Mais, contrairement aux étoiles, les planètes tiennent leur luminosité uniquement des étoiles autour desquelles elles gravitent. Le soleil, on le sait, traîne dans sa course huit planètes, incluant la terre. Mais les autres étoiles de la Voie lactée ont aussi leur cortège de planètes qu’on appelle exoplanètes car elles évoluent à l’extérieur du système solaire. Mais il n’est pas facile de les voir car leurs éblouissantes étoiles les voilent à notre vue. On devine leur présence par l’influence qu’elles exercent sur leurs étoiles dont elles perturbent le mouvement par leur force de gravitation. Par exemple, on sait très bien que le soleil influence le mouvement de rotation de la terre et de ses sept autres planètes. Mais, inversement, la terre et ces sept autres planètes influencent aussi, bien qu’à un moindre degré, la course du soleil. Plus que ça, trois chercheurs de l’université Laval de Québec ont récemment réussi à mettre au point un procédé pour voiler la lumière des étoiles et permettre de «voir» véritablement ces exoplanètes. La nouvelle a fait le tour du monde. Depuis quelque temps, la course à ces exoplanètes est très en vedette. On comprend l’intérêt : depuis qu’on a abandonné l’espoir d’entrer en communication avec les petits hommes verts de la planète Mars, c’est du côté de ces planètes que pourraient nous venir les messages des E.T. de l’Univers. Aux U.S.A., on a mis sur pied un important programme de détection des intelligences extra-terrestres. C’est le programme SETI (Search for extraterrestrial intelligence). Le soir, avant de vous coucher, faites donc comme moi : jetez donc un œil vers le ciel. On ne sait jamais...


Cette fois, c’est ma chère Jeannette qui intervint :
- Il y a aussi bien d’autres objets lumineux qui sillonnent le ciel.
- Bien oui, il y a les satellites ou, si l’on veut, les lunes, qui gravitent autour des autres planètes du système solaire. La Terre n’en a qu’une mais certaines planètes en ont plusieurs : ainsi Saturne compte 53 lunes, Jupiter 63. C’est d’ailleurs la découverte des satellites de Jupiter qui fit dire à Galilée qu’il était faux de prétendre que tous les astres tournaient autour de la Terre.
Puis il y a les comètes qui viennent de temps à autre sillonner nos nuits. Ces astres spectaculaires sont en fait des boules de glace et de poussière qui traînent derrière elles de longues queues lumineuses qui peuvent s'étendre sur 30 à 80 millions de kilomètres et sont formées par la fonte de la glace sous l’effet des rayons solaires.
Sans oublier les météores, communément appelées «étoiles filantes», qui constituent une population de corps rocailleux venus de l’espace et qui, au contact de l’atmosphère terrestre, prennent feu et se désintègrent avant de toucher terre. On connaît particulièrement cette pluie de météores appelés les Perséides que l’on peut admirer chaque année, durant la deuxième semaine du mois d’août et qui atteint son paroxysme habituellement entre le 11 et le 13 août, quand la terre traverse l’essaim des débris de la vieille comète Swift-Tuttle.
Heureusement que l’atmosphère nous sert de bouclier car, chaque jour, notre planète est bombardée par 300 tonnes de pierres et de poussières venues de l’espace. Nous ne sommes pas pour autant à l’abri de toute collision avec des astéroïdes, ces corps rocailleux qui circulent entre les planètes et fendent l’espace à des dizaines de kilomètres par seconde. Il en existe au moins 300 dont le diamètre est supérieur à 150 mètres et qui constituent un réel danger d’impact avec la Terre. Abraracourcix avait donc bien raison de craindre que le ciel nous tombe sur la tête. C’est déjà arrivé au temps des dinosaures où un énorme astéroïde a détruit presque toute vie sur terre.

- Ces étoiles, planètes, satellites, météores dont tu nous parles sont tous des objets que l’on peut voir même à l’œil nu, intervint alors Minouchka, mais n’existe-t-il pas une pléiade d’autres corps célestes qui échappent à notre vue ?
- Mon Dieu, oui. Une multitude. On dit que nous ne percevons, même avec tous nos instruments de détection, que 0,5% de toute la matière de l’Univers. Un demi de 1%, te rends-tu compte ? Tout le reste est invisible. Mais ceci est un sujet que nous aborderons une autre fois. L’Univers n’a pas fini ses cachoteries.

Nous nous sommes, ce matin-là, longuement fait rôtir au soleil avant de reprendre la route.




La Petite Madeleine





vendredi 24 juin 2011

L’Univers par le trou de la serrure

Touristes de l’Univers – Chapitre 10

Sur la route de Port-au-Persil

Le lendemain soir, le ciel était aussi dégagé que la veille et, lorsque le soleil a glissé sous la ligne d’horizon, nous sommes à nouveau retournés sur le quai de Port-au-Persil pour nous installer dans nos transats en contemplation du ciel.
Nous avons devisé tranquillement en nous laissant encore une fois envahir par la beauté des lieux. Lorsque la noirceur fut vraiment venue, Simon me rappela que, la veille, il m’avait dit qu’ainsi installés, nous pouvions contempler l’immensité de l’Univers et que je lui avais répliqué qu’il se trompait en faisant une telle affirmation.
- Bien oui, tu t’illusionnes, lui répétai-je, si tu crois que, en regardant le ciel comme nous faisons maintenant, nous contemplons l’immensité de l’Univers.
- Veux-tu dire que c’est encore ici une supercherie de l’Univers ? Que cette immense voûte céleste ne représente pas tout l’Univers ?
- Oui, c’est bien ça. Tout ce que nous voyons ici n’est qu’une infime petite portion de l’Univers.
- Tu nous as pourtant bien dit que certaines des étoiles qui s’offrent à nos yeux sont à des milliers d’années-lumière de nous et donc, que le ciel que nous voyons dans le moment est d’une incroyable immensité.
- Oui mais ce qu’il faut d’abord saisir c’est l’immensité de l’Univers lui-même.
- Bon, vas-y, charrie-nous encore une fois.
- Tu te souviens que nous, sur notre petite planète, faisons partie d’un troupeau d’étoiles qu’on appelle la Voie lactée et que ce troupeau est si immense que si nous pouvions nous élancer à la vitesse de la lumière qui court à 300 000 km à la seconde, il nous faudrait environ 90 000 ans pour le parcourir de bout en bout et que, en cours de route, nous croiserions des milliards d’étoiles.
- Oui, je sais ça.
- Tu te rappelles aussi que notre ami Hubble nous a révélé que l’Univers était parsemé de milliards d’autres galaxies et que toutes les galaxies étaient lancées dans une course folle.
- Oui, je te vois venir, je crois.
- Alors tu dois bien commencer à comprendre que nous sommes postés dans un petit coin de notre galaxie et que nous ne voyons que quelques-unes des étoiles qui en font partie. Nous sommes bien loin de voir les milliards d’étoiles qu’elle cache dans sa poche. Et encore bien plus loin de voir les milliards d’étoiles des milliards d’autres galaxies qui parsèment l’Univers.
- C’est époustouflant ce que tu nous racontes là.
- Si l’on comparait le ciel à un immense château, je te dirais que nous sommes comme des voyeurs qui regardent par le trou de la serrure pour voir à l’intérieur. Nous ne verrions alors qu’une toute partie du vestibule. Tout le reste échapperait à notre regard : les immenses salles de bal, les innombrables salons, chambres, interminables couloirs, tours de guet, caves, sans compter les riches ornements, sculptures, tableaux et tapisseries, etc., etc.
- Et un château gonflable, intervint Minouchka en rigolant, car tu nous as dit que l’espace ne cessait pas de s’agrandir à une vitesse folle en entraînant les galaxies dans sa course.
- Oui, bien dit, un château gonflable. Et nous des petites puces agrippées à ce château et essayant en vain d’en voir l’immensité.
Nous fîmes alors une longue pause, comme nous l’avions fait la veille, pour tenter d’imaginer l’inimaginable : l’immensité de l’Univers avec notre poche d’étoiles surnommée la Voie lactée, et, bien au-delà, les milliards d’autres poches d’étoiles entraînées à des vitesses folles par l’espace qui s’ouvre devant elles.
Devinant la pensée commune qui nous habitait, je rompis le silence :
- Il est aussi impossible d’imaginer cet espace infini que d’imaginer l’éternité.[1] Suivant ce que pensent généralement les hommes de science, l’espace continuera de s’agrandir indéfiniment et, de ce fait, à se refroidir jusqu’à atteindre le «Big chill»[2], c'est-à-dire le grand refroidissement qui finira par amener étoiles et galaxies à s’éteindre et à disparaître dans la nuit des temps. Mais consolons-nous, cette échéance n’arrivera pas avant des centaines de milliards d’années et le soleil et ses planètes seront morts et enterrés depuis longtemps.
- Toute une consolation ! lança Minouchka.
Nous prîmes alors un dernier verre et nous montâmes vers notre gite «La petite Madeleine» en titubant un peu et en braillant à tue-tête «Partons la mer est bê-ê- le». Ce soir-là, Jeannette s’endormit la tête pleine d’étoiles, comme elle me le raconta plus tard.
[1] Comme le dit si bien Woody Allen : «L’éternité c’est long…surtout vers la fin».
[2] Par opposition à la théorie du «Big Crunch» qui amènerait l’espace à cesser de s’agrandir et, à l’inverse, à entreprendre de se contracter pour revenir un jour au point zéro, c'est-à-dire à l’état infiniment petit qui a précédé le Big Bang. Dans cette hypothèse, l’Univers serait élastique, alternant entre des états de «Big Chill» et de «Big Crunch».

jeudi 9 juin 2011

Les autres duperies de l'univers

Touristes de l’Univers – Chapitre 9





L'univers en expansion





Eh bien, vous vous souvenez que, la dernière fois, il a fallu nous rendre à l’évidence : la merveilleuse nuit étoilée que nous admirions du quai de Port-au-Persil, n’était en fait qu’une image faussée par le décalage spatial des étoiles qui ne sont pas du tout sur le même plan.


Après notre discussion, chacun de nous s’enferma dans son silence et dans ses rêves.

Après un long moment, c’est Simon qui, maintenant bien réveillé, lança :


«Il y a au moins une chose certaine, c’est que, ici sur ce quai, nous pouvons contempler l’immensité de l’univers et que les étoiles sont bien accrochées là-haut et ne bougent pas d’un poil.


- Non, mon cher Simon, tu te goures, lui dis-je.
- Bien ça va faire ! On dirait que tu prends plaisir à nous contredire, Minouchka et moi, et à dire que tout n’est qu’illusion.
- J’admets que mes propos peuvent vous secouer un peu mais tout ce que je tente c’est de vous décrire la réalité qui se cache sous l’apparence des choses. Cette réalité est encore plus merveilleuse que ses apparences.
- Alors vas-y de ta soi-disant réalité, me répliqua-t-il, l’air exaspéré.
- D’abord un mot sur l’immobilité des étoiles et des galaxies :


De fait, si on examine les étoiles, sans prendre la peine d’analyser la lumière qu’elles émettent, elles nous paraissent toujours au même endroit les unes par rapport aux autres, nuit après nuit, année après année, siècle après siècle, figées à jamais sur la voûte céleste. Ce n'est que depuis moins de cent ans, avec des scientifiques, comme Georges Lemaître et Edwin Hubble, qu'on a finalement admis que les astres n'étaient pas immobiles et figés (comme on le croyait depuis Aristote) mais bien en mouvement et que les galaxies étaient même lancées dans une fuite éperdue (ce qu'Einstein lui-même eut bien de la difficulté à admettre). C’est particulièrement Hubble qui, en 1929, a proclamé que ces poches d’étoiles que sont les galaxies étaient lancées dans une course folle pour se fuir les unes les autres. Je vous ai d’ailleurs raconté cela lorsqu’on a parlé du Big Bang.
- Mais comment ton bonhomme Hubble a-t-il pu affirmer une telle chose ?
- Nous ne nous attarderons pas sur ce point mais, pour faire court, disons que c’est en utilisant ce qu’on appelle l’effet Doppler : on analyse le spectre des rayons lumineux émis par un astre et si le rayon tire sur le rouge c’est que l’astre s’éloigne et s’il tire sur le bleu c’est que l’astre se rapproche. Ainsi, notre ami Hubble a pu établir que les galaxies s’enfuyaient car leur spectre tirait sur le rouge Et, fait encore plus étonnant, ce ne sont pas les galaxies qui s’enfuient comme des voleuses avec les poches pleines d’étoiles, c’est l’espace lui-même qui se dilate, entraînant les galaxies avec lui !
- Mais tu charries pas un peu là ? Es-tu en train de nous faire avaler que l’espace est élastique comme une «gomme balloune» ? (1)
- C’est bien ça. Tiens, encore mieux que l’exemple de la «gomme balloune» : tu prépares une pâte à gâteau sur laquelle tu piques des raisins. Tu mets la pâte au four et tu la vois enfler graduellement sous l’effet de la chaleur. Là, ô miracle, les raisins se fuient les uns les autres. En fait, ce ne sont pas les raisins eux-mêmes qui entrent en mouvement, c’est la pâte qui les entraîne dans son mouvement d’expansion. (2)


L’espace donc n’est plus, comme dans l’univers de Newton, une scène de théâtre statique où se déroule le grand drame cosmique. Il n’existait pas avant le Big Bang et il se crée au fur et à mesure depuis la grande explosion. Et l’expansion de l’univers n’est pas un mouvement d’éloignement des galaxies dans un espace immobile mais un espace en dilatation qui entraîne avec lui des galaxies au repos.


- Eh bien là, je dois reconnaître que tu m’en bouches un coin.
- Il faut admettre que l’illusion d’immobilité des étoiles et des galaxies est bien compréhensible. Si un avion vole à 10 000 mètres à une vitesse de 800km/h, il te paraîtra, vu de la terre, avancer à une vitesse d’ escargot. Alors imagine une étoile située à 10 000 années-lumière, elle te paraîtra parfaitement immobile même si elle se déplace à une vitesse folle. Tu vois ?

L’astucieuse Minouchka qui avait écouté sans broncher, risqua alors cette question :


- Je me suis laissée dire que la galaxie Andromède, qui est la plus proche de notre Voie lactée, bien loin de s’éloigner de nous, s’en rapproche. Elle ne nous fuit donc pas, contrairement à ce que tu nous laisses entendre.
- Oui, c’est en effet assez paradoxal que deux galaxies qui s’enfuient se rapprochent en même temps. Depuis le Big Bang, l’espace n’a cessé de s’agrandir à une vitesse folle, entraînant dans sa fuite les galaxies (qui se sont graduellement formées par l’agglomération de la matière, comme on l’a déjà vu). Cette fuite n’empêche toutefois pas la loi de la gravitation de jouer son rôle et d’amener certaines galaxies rapprochées à se coller les unes sur les autres, tout en poursuivant leur course effrénée. Hubert Reeves exprime ainsi ce phénomène : «...des galaxies voisines, attirées par la gravité qui s’exerce entre elles, arrivent à remonter le mouvement d’expansion de l’univers et à fusionner ». C’est la géniale astronome américaine Vera Rubin qui nous illustre le mieux ce phénomène : si l’on place des fourmis sur un ballon et que l’on gonfle le ballon, les fourmis poursuivront leur course à mesure que le ballon se gonflera mais rien n’empêchera certaines d'entre elles de se rapprocher les unes des autres par leur propre mouvement, en même temps que le ballon les fera continuer leur course.


Ce rapprochement Voie lactée-Andromède n’a pas de quoi nous énerver pour le moment car, s’il y a un jour collision, ce ne sera que dans quelques milliards d’années. Et encore là, la collision est incertaine. Tu peux donc, ma chère Minouchka, écrire à ta grand-mère (a-t-elle Internet ? les grands-mères aujourd’hui, tu sais…) pour la rassurer sur le sort de ses arrières, arrières petits-enfants.


Je me suis alors tourné vers Simon :


- Tu as bien dit aussi que, d’ici sur ce quai, nous pouvions vraiment contempler l’immensité de l’univers, n’est-ce-pas ?
- Ne viens pas me dire que ce n’est pas le cas.
- J’ai bien peur de te décevoir là aussi. Mais je m’en voudrais de troubler ton sommeil. Alors, si tu veux bien, remettons à une prochaine fois la discussion qui nous amènera à tenter de comprendre l’immensité de l’univers. Ce sera là, je t’assure, un sujet absolument passionnant.



(1) Tous les enfants au Québec savent ce qu’est une «gomme balloune». Pour les non-instruits, laissez-moi expliquer la chose : tu te fourres dans la bouche une grosse gomme, tu la mâchouilles vigoureusement pour l’assouplir. Puis là, tu l’aplatis derrière tes dents de façon à l’amincir. C’est alors que tu pousses un peu avec la langue la mince pellicule de façon à la faire ressortir entre les lèvres. Puis, tu rentres la langue laissant une petite bulle à l’extérieur de la bouche, pas trop épaisse ni trop mince. Et c’est là que l’artiste démontre tout son savoir-faire : tu souffles dans la bulle pour la faire enfler. Le gagnant est celui qui fabrique la plus grosse bulle. Petite mise en garde : ne souffle pas trop fort car elle pourrait te péter dans la figure et tu en aurais partout, du menton jusqu’aux narines.


(2) Einstein nous a même révélé que l’espace n’était pas seulement en expansion mais qu’il était aussi élastique et se déformait en présence des étoiles, comme une trampoline sur laquelle on déposerait un poids. De cette façon, Einstein fournissait une explication à la loi de la gravitation énoncée par Newton : chaque étoile crée, dans la toile de l’espace, un creux qui attire ses voisines.

dimanche 15 mai 2011

Un univers menteur comme un arracheur de dents

Touristes de l’Univers – Chapitre 8

Aujourd’hui, ma chère Jeannette s’est jointe à nous (Minouchka, Simon et moi) pour une virée dans Charlevoix. (Dès que je parle à ma femme de ce coin de pays, elle devient frémissante d’envie).

Sacs à dos et bâtons de pèlerins, nous avons fait un bout de chemin sur le sentier des caps menant de Saint-Tite-des-Caps à Petite-Rivière-Saint-François. Nous ne parlions pas beaucoup, ménageant nos forces pour grimper les sentiers vallonnés de la région. Nous avons, bien entendu, fait de petites pauses ici et là pour reprendre notre souffle et, sur l’heure du midi, nous nous sommes arrêtés pour une petite bouffe.

À 17 heures, nous sommes retournés à la voiture pour rouler jusqu’à St-Irénée au bas d’une interminable pente qui nous fait peu à peu découvrir le fleuve dans toute sa splendeur. Nous avons soupé dans un sympathique petit boui-boui au ras du fleuve. Puis, en route pour Port-au-Persil où nous avions réservé des chambres à l’auberge Petite-Madeleine.

Après avoir déposé nos bagages à l’auberge haut juchée dans les montagnes environnantes, nous sommes redescendus au quai de Port-au-Persil. De là, on peut jouir d’une magnifique vue sur le ciel du sud entièrement dégagé. Confortablement installés dans nos transats, nous avons vu le soleil baisser à l’ouest en sirotant un digestif et en causant doucement, en symbiose avec le paysage environnant. À mesure que la noirceur s’installait, nos voix sont devenues des chuchotements, comme si l’on craignait de déranger les étoiles qui, peu à peu, piquaient le ciel.

À un moment donné, n’en pouvant plus, Minouchka, les yeux pleins d’étoiles, a lancé ce cri du cœur : «Dieu que c’est beau !»

J’attendis un moment, hésitant à rompre le charme, puis j’ajoutai :
«Ce ciel étoilé n’est, hélas, qu’une illusion. Il n’existe pas vraiment».
- Comment ça, n’existe pas ? me lança-t-elle aussitôt, en tournant vers moi un regard décontenancé.
- C’est parce que les étoiles ne sont pas toutes sur le même plan.
- …
- Écoute, pour comprendre cet effet d’illusion, il faut d’abord comprendre que
toute source de lumière, dans ce cas-ci les étoiles, émet des rayons qui se propagent à une certaine vitesse.
- Veux-tu dire que, si j’allume une ampoule le rayon lumineux émis par cette ampoule ne viendra pas instantanément frapper la lentille de mon œil ?
- Pas tout-à-fait. Il s’écoulera une infime fraction de seconde entre le moment où tu activeras l’interrupteur et celui où le rayon atteindra ton œil. L’interrupteur n’est pas une baguette magique qui permet à la lumière d’atteindre instantanément les confins de l’univers.
- Es-tu en train de me dire que la lumière voyage. Tout aussi bien que la balle tirée d’un fusil ou qu’une automobile de course et qu’elle est soumise aux lois de la vitesse comme n’importe quel objet ?
- Eh bien oui. Mais elle voyage si vite qu’elle semble passer comme par magie d’un endroit à un autre.
- Vite comment ?
- Trois cent mille kilomètres à la seconde.
- Quoi ?
- Plus de sept fois le tour de la terre en une seconde.
- Ouais, eh bien, lança Simon, attends que je conte ça à mon cousin Charles qui se vante de rouler à trois cent kilomètres à l’heure sur l’autoroute avec son bolide équipé d’un moteur turbo.

Jeannette souriait, elle qui était déjà si familière avec ces notions de vitesse de la lumière.

- Je veux bien, se résigna Minouchka, mais qu’est-ce que tout ça vient faire dans ce magnifique ciel étoilé que tu dis n’être qu’une illusion ?
- Bon, prenons par exemple le soleil flamboyant que nous avons vu tantôt glisser sous la ligne d’horizon. Il était exactement 8h12 à ma montre lorsque le dernier petit rayon est disparu.
- Oui, et puis ?
- Bien, en fait, le soleil était déjà couché depuis 8h04 mais nous l’avons vu briller jusqu’à 8h12 parce que son dernier rayon lumineux a pris huit minutes à franchir les quelque cent cinquante millions de kilomètres pour nous parvenir.
- Et puis ?
- Il faut dès lors comprendre qu’on ne calcule plus les distances entre les astres en termes de kilomètres mais en termes d’années-lumière, c’est-à-dire en prenant pour base de calcul la distance que franchit la lumière en une année, soit environ 9,5 milliards de kms.
- Et puis ?
- Et puis, voilà maintenant pourquoi je te dis que ce magnifique ciel étoilé n’est qu’une illusion : c’est parce que les étoiles ne sont pas toutes sur le même plan.
L’étoile la plus proche de nous, après le soleil, est Proxima du Centaure à 4,4 années-lumière (AL). L’étoile polaire est à environ 430 Al, Antares à 600 AL, Canis major (le Grand Chien) à 5 000 AL, V354 Cephei à 9 000 AL et ainsi de suite, de sorte que lorsque, par exemple, on regarde l’étoile polaire, on la voit non pas telle qu’elle est ce soir mais telle qu’elle était il y a environ 430 ans et Canis major telle qu’elle était il y a environ 5 000 ans. Il peut même arriver que certaines de ces étoiles soient mortes aujourd’hui, même si nous continuons à recevoir leur lumière et c’est ce qui me fait dire que l’image que nous envoie le ciel étoilé de ce soir ne correspond pas à la réalité : c’est une illusion. Le ciel, en fin de compte, est un fieffé menteur.
Minoucka resta songeuse un long moment. Puis, dépitée, elle me lança cette phrase assassine :
- Lui au moins, il sait être silencieux.
Piqué au vif, je lui répliquai aussitôt :
- Illusion, ma chère Minouchka, les étoiles sont de hauts fourneaux qui grondent furieusement sans cesse.
Et j’ajoutai, un peu malicieusement :
- D’ailleurs, si tu fais silence, tu entendras ce lointain grondement qui nous vient des confins du ciel. Écoute, écoute bien.
Un instant perplexe, elle pouffa de rire et me répliqua à son tour :
- Mais, mon pauvre vieux, tu ne vois pas : c’est Simon qui ronfle comme une cheminée.
Nos rires bruyants éveillèrent Simon qui, en se redressant, la tête encore embuée de sommeil, s’écria : «Quoi ? Quoi ?».
Nous redoublâmes de rire.
Peu à peu, alors que le ciel noircissait de plus en plus et que se révélaient de nouvelles étoiles, chacun s’enferma dans son silence et dans ses rêves.

dimanche 8 mai 2011

Escale poétique



Concert nocturne


Entre chien et loup
sur un nénuphar
trois grenouilles chantonnent


Dix lucioles
éclairent la scène
de leur sarabande


Sur son croissant de lune
Pierrot intrigué
décroise les jambes

Tous deux côte à côte
ta main dans mon cou
fait frémir mes orteils



Extase


Elle s'aéroplane
lourdement
sur mon tarmac


Se balise
voluptueusement
sur ma bouée


J'irrigue ses larges terres
et les rend fertiles
Bénissons le Seigneur



La balle perdue


Le trou minuscule
de la balle perdue
dans le front étonné



Souvenirs


Le sifflement du train
dans le matin gris


le ruisseau turbulent
de la fonte des neiges


font surgir en moi
des souvenirs fugaces


de moments heureux
que je n'ai pas vécus



Brunante


Mes bottes cloutées
martèlent le pavé
en route pour l'horizon


Un arbre dénudé
tend vers le ciel
ses bras implorants


Seul dans ma nuit
en quête d'espérance


Sous la neige


Nuit de froid silence
les clous de ma toiture
pètent sec


Matin de froid polaire
la neige sous le pas
se lamente en couinant


Lendemain de tempête
lampadaires étonnés
sous leurs chapeaux de neige




Nuit d'été


La clameur des étoiles
fait vibrer
ma pupille

Mille grillons
font grincer leurs crincrins
monotones


Et toi sur mes genoux
tu te colles
à mon cou



Deux enfants


Deux enfants sur la rive
arrêtent de jouer
pour regarder passer
un vieux billot sur l'eau


Aube


Aux aurores pieds nus
et foulant la rosée
elle se rend au fleuve

Un cargo sous ses yeux
déchire l'onde
de son étrave


Le soleil glorieux
dilate ses yeux
elle vivra mille ans

jeudi 21 avril 2011

Un univers qui enfle et génère des petits

Touristes de l’Univers – Chapitre 7








- Lors de notre dernière discussion, dis-je à Simon et Minouchka, nous en étions rendus à ce moment merveilleux entre tous dans l’histoire de l’univers où, un à deux milliards d’années après le Big Bang, sont apparues les premières étoiles. L’univers qui, à ses débuts, était dans un état de désorganisation totale et de grande et plate uniformité, a fini par mettre de l’ordre dans le désordre et de se donner d’étonnantes structures. Il en était même rendu à fabriquer des étoiles. Il a donc fallu constater que notre bonhomme univers était engagé dans un processus d’évolution, une marche vers la complexité. C’est alors que vous m’avez posé cette fort judicieuse question : «Où donc s’en va-t-il cet immense et mystérieux bonhomme ?».

«Reprenons donc l’histoire, si vous le voulez, depuis le moment où sont apparues les premières étoiles.

«Ces étoiles, on s’en souvient, ont surgi d’immenses nuages de gaz et de poussières disséminées dans l’univers et qui faisaient office de pouponnières d’étoiles.[i]

«Avec le temps, ces nuages se sont compactés sous l’effet de la gravitation avec le résultat qu’ils se sont réchauffés au point de prendre feu. C’est ainsi qu’ont surgi, ici et là, des étoiles qui étaient de petites loupiotes dans l’immensité d’un univers qui, en gonflant, s’était presque complètement obscurci.[ii] «Petites loupiotes», est une façon de dire car, en fait, l’univers devait bien être découragé d’enfanter ces bébés joufflus qu’étaient les premières étoiles. Les poupons étaient des étoiles géantes, jusqu’à cent à mille fois la masse du soleil et de un à trente millions de fois sa luminosité.

- Quoi ? s’exclama aussitôt Minouchka. Trente millions de fois la luminosité du soleil !

- Eh bien, ma cocotte, lui répliqua affectueusement Simon, pas question de séance à la plage dans les environs de ces fourneaux, n’est-ce pas ?

Je les laissai rigoler un moment puis poursuivis :

- Mais, devant l’immensité de la mère univers dont ces étoiles ont jailli, celles-ci, comme je l’ai dit, ne faisaient figure que de petites ampoules. Fragiles au surplus car vous savez comment sont les gros, n’est-ce pas : beaux comme les enfants du peintre Raphaël, ils s’empiffrent et meurent jeunes. Eh bien, c’est ce qui est arrivé à nos bébés joufflus : après avoir englouti leurs immenses réserves d’hydrogène et d’hélium fabriqués à la naissance de l’univers et les avoir mâchouillées sans retenue, ils ont gonflé démesurément et, comme la grenouille de Lafontaine, ils ont pété dans d’inimaginables explosions (que les hommes de science appellent «supernovae»[iii])…après quelques millions d’années (ce qui est relativement jeune si on les compare à notre soleil dont la vie s’étire sur près de dix milliards d’années).

«Il faut dire que, en digérant, ces bébés étoiles avaient combiné leurs réserves d’hydrogène et d’hélium pour en faire la panoplie complète des quatre-vingt-un éléments chimiques stables dont la nature se sert pour fabriquer la complexité et la beauté du monde. Mais, pour arriver à cette fin, ce n’est pas tout de fabriquer ces éléments, il fallait dès lors en ensemencer l’univers. C’est là qu’interviennent les supernovae : en explosant, ils projetèrent dans l’espace interstellaire tous ces nouveaux éléments issus de la cuisson stellaire et ensemencèrent ainsi l’univers qui ne connaissait rien de cette nouvelle pâture.

«On venait de franchir là un pas de plus vers la complexité, vers l’épanouissement de l’univers. L’immonde désorganisation initiale prenait graduellement forme. La pâte levait. Le petit pétard du début («l’atome primitif» comme l’appelait Georges Lemaître), avait connu une expansion formidable, s’était lancé dans une guerre à finir (matière/antimatière), avait laissé filtrer des
rayons de lumière dans l’opacité du départ et avait éparpillé quelques nuages de
gaz et de poussières dans cet univers en expansion. Puis, en se compactant, ces nuages avaient généré des étoiles. Et voilà que maintenant, on ensemençait l’univers d’une multitude de nouveaux éléments !

«Dieu soit loué ! Allah est grand ! Alléluia ! Je vous laisse le choix de l’exclamation car rien de mieux ne pouvait nous arriver, pour faire surgir la vie un jour, que cette multitude de nouveaux éléments projetés dans l’espace. Sans eux, Niet ! Nous ne serions même pas là pour en parler.

«Il ne faut pas croire pour autant que la naissance d’une étoile est un phénomène isolé. La «mise à feu» d’une étoile produit une onde de choc dans le nuage qui l’enveloppe et cette onde compresse son enveloppe nuageuse au point d’en faire surgir de nouvelles étoiles qui, si elles ont une masse suffisamment importante, éclateront pour, à leur tour, ensemencer l’univers de nouveaux éléments.

«C’est ainsi que l’on peut dire que les étoiles naissent de réactions en chaîne et qu’une étoile ne naît jamais seule. Et, une fois nées, les étoiles ne restent jamais seules non plus : effrayées, peut-on dire, de vivre dans la noirceur, elles se regroupent en d’immenses troupeaux contenant des milliards d’étoiles et qu’on appelle galaxies. Et voilà un autre pas de plus : l’univers construit des galaxies.

«Il ne faudrait pas croire non plus que l’univers donne naissance à des enfants tous semblables. L’univers est comme un innombrable bestiaire, une immense arche de Noé : étoiles géantes qui vivent à peine quelques millions d’années, naines blanches qui résultent de la mort d’étoiles autrefois flamboyantes, étoiles à neutrons dont la matière est si compactée qu’une cuillerée pèse des tonnes, pulsars lancés dans des pirouettes effrénées, trous noirs qui avalent les malheureuses qui osent s’en approcher, etc., etc. Nous y reviendrons.

«Contentons-nous pour le moment de dire que la pléiade d’étoiles, de galaxies et de nébuleuses que nous révèle le télescope Hubble est d’une fabuleuse beauté.

«Et, pour en revenir à notre question de départ : «Jusqu’où donc s’en va-t-il cet immense et mystérieux bonhomme qu’est notre univers?» bien malin celui qui pourrait y répondre. Force nous est à tout le moins de constater qu’il n’est pas figé, qu’il se développe en devenant de plus en plus complexe. Qu’il est animé, dirait-on, d’une vie propre.

«Certains appellent Dieu cet animateur et voient ce Dieu comme un puissant personnage installé dans un paradis d’où il tirerait les ficelles. Rien ne se passerait sans son intervention, aussi bien la création que l’évolution des êtres et des choses. On pourrait même communiquer avec lui et il nous entendrait, exauçant ou non nos vœux selon son bon vouloir.

«D’autres croient que le monde s’est créé tout seul et pensent comme le mathématicien et astronome Pierre-Simon Laplace qui avait présenté à Napoléon sa vision du monde. Lorsque celui-ci lui dit "Comment, vous faites tout le système du monde, vous donnez les lois de toute la création et dans tout votre livre vous ne parlez pas une seule fois de l'existence de Dieu !" Laplace lui répondit: “Sire, je n’ai pas besoin de cette hypothèse”

«C’est leur affaire à ces gens de penser ce qu’ils veulent. Pour notre part, nous continuerons à suivre le développement de l’univers. Peut-être alors pourrons-nous risquer notre propre théorie ?

Minouchka et Simon me regardaient, l’air perplexe.

«Si vous avez toujours le goût de m’accompagner, leur dis-je, nous ferons un autre bout de route la prochaine fois.»








[i] Lorsqu’on parle de l’univers, les unités de grandeur sont tout à fait relatives. Donc, ces «immenses nuages» sont de bien petites touffes de poussières si on les compare à l’immensité de l’univers alors en voie d’expansion.
[ii] Il faut dire ici que lorsque les véhicules de lumière que sont les photons ont réussi (380 000 ans après le Big Bang) à percer la gangue obscure de l’univers primordial, le ciel est devenu momentanément blanc à pleine grandeur mais qu’il s’est presque aussitôt obscurci en se dilatant de façon effrénée et en laissant ainsi d’énormes distances entre les poches de gaz et de poussières disséminées dans l’univers en voie d’expansion.
[iii] Toutefois, les plus massives de ces étoiles (appelées supernovae de type II) se convertissent en étoiles à neutrons ou en d’effrayants trous noirs dont nous parlerons plus tard.

lundi 28 mars 2011

Comment diable cette histoire a-t-elle commencé?

Touristes de l’Univers – Chapitre 6


Nous avions à peine fini d’avaler notre dernière gorgée de café que mon petit bonhomme, qui ne laissait jamais tomber le morceau, revint à la charge :

«Alors, où donc, en fin de compte, a-t-elle eu lieu cette fameuse explosion ?

- Je crains bien de te décevoir, mon cher Simon (vous l’avais-je dit qu’il s’appelait Simon ?), mais ta question n’a pas plus de sens que celle de Minouchka qui me demandait quand avait eu lieu l’explosion.

Simon, sans même un mot, laissa tomber les bras dans un geste d’exaspération.

- Eh bien oui, pour dire où s’est produite l’explosion, il fallait bien qu’il y ait d’abord un espace pour la localiser, n’est-ce pas ? Eh bien, avant le Big Bang, il n’y avait pas d’espace…

Je les laissai digérer un moment cette nouvelle pilule.

- Donc, lança Minouchka, une explosion formidable provoquée par on ne sait quoi, dans un temps qui n’existait pas et dans un lieu qui n’existait pas non plus, c’est bien ça ?

- Oui, c’est tout ce que nos hommes de science peuvent nous dire pour le moment.

- Je pense, maugréa Simon, que je vais m’en tenir à l’histoire d’Adam et Ève qui, à tout prendre, est moins invraisemblable que ton histoire de Big Bang.

- Bien, ce n’est pas moi qui ai inventé l’histoire du Big Bang. Ce sont, je te l’ai dit, de grands esprits de notre époque qui sont arrivés à cette conclusion et pratiquement tous les scientifiques d’aujourd’hui en reconnaissent l’authenticité. Cette théorie a passé haut la main toutes les épreuves auxquelles on l’a soumise. Avec le temps, on y apportera sûrement des modifications mais, fondamentalement, elle est là pour rester.

- Bon, dirent-ils en chœur, en levant des sourcils sceptiques, mais sait-on au moins ce qui est arrivé au moment de cette explosion ?

- Eh bien, nos astrophysiciens nous racontent que, dès après l’explosion, l’infiniment petite chose qu’était l’univers à sa naissance, s’est agrandie à une vitesse foudroyante, une vitesse vertigineuse, infiniment supérieure même à la vitesse de la lumière et tout cela en une toute petite fraction de seconde.


Mais cet univers agrandi n’était rien de moins qu’un incroyable chaos : une soupe de milliards de mini-particules qui, se lancèrent aussitôt dans une guerre totale : une armée de particules de matière contre une armée de particules d’antimatière s’annihilant les unes les autres dès qu’elles entrent en contact. Une guerre éclair qui ne dura pas plus de trois minutes.

- Antimatière ? Qu’est-ce que c’est ça ?

-Eh bien, si l’on prend, par exemple, un proton [i] qui porte une charge électrique positive, l’antiproton est son jumeau mais il est doté d’une charge négative. Ils ne peuvent pas se sentir. S’ils se rencontrent, c’est fatal. Ils s’annihilent. Au surplus, les deux armées ont autant de soldats l’une que l’autre, sauf que, pour une raison tout à fait inconnue, parmi les milliards de milliards de militaires engagés dans cette guerre à finir, un petit soldat de plus dans l’armée de la matière a permis à cette dernière, en fin de compte, de gagner la bataille. Heureusement pour nous qui sommes faits de matière car si cette dernière avait perdu, nous ne serions même pas là pour en parler.

- Bon, et après ? demanda Minoucka qui, pour bien marquer la victoire de la matière, n’avait manifestement pas perdu la faculté de parler.

- Attends, attends, dit délicatement Simon à Minouchka, je veux bien comprendre ce qui vient d’arriver. Alors, se tournant vers moi, il me dit :

- Êtes-vous en train de nous dire que l’univers de démesure que nous connaissons aujourd’hui et dont la naissance remonte à au-delà de quatorze milliards d’années, a commencé par quelque chose comme une infiniment petite particule qui, en un éclair, a gonflé démesurément pour se charger de milliards d’autres petites particules en moins d’un milliardième de seconde avant de se lancer dans une guerre éclair dont l’armée de la matière est sortie victorieuse parce qu’elle avait un soldat de plus que l’armée de l’antimatière ?

- Eh bien oui, Simon, c’est ce que nos hommes de science nous disent aujourd’hui. Nous serions passés de l’infiniment petit à l’infiniment grand en termes d’espace et de l’infiniment court à l’infiniment long en terme de temps.

Après un long moment de silence pour digérer ces notions, Minouchka revint à la charge :

- Bon, et après ?

- Eh bien après, l’immense soupe désorganisée de matière et d’énergie qui constituait l’univers a été plongée dans une noirceur totale et ce, pendant la plus longue nuit de tous les temps : 380 000 ans. Oh, ce n’est pas que la lumière était complètement absente mais, pendant cette période de noirceur, les particules de lumière, qu’on appelle photons, étaient paralysées par une inimaginable foison d’électrons. [ii] Un peu comme la lumière d’une torche voilée par la brume.


Lorsqu’enfin les électrons ont été capturés par les atomes en voie de construction, la voie est devenue libre pour les photons et la lumière a finalement réussi à percer. Si nous avions été là en l’an 380 000, nous aurions vu un ciel aussi brillant que la surface du soleil.
Les plus vieilles images de l’univers que nous révèlent aujourd’hui les satellites COBE et WMAP remontent ainsi à la 380 000e année après le Big Bang.


- Et après ?s’enquit Simon à son tour.

- Après ? La soupe de particules, encore inorganisée, continue de s’agrandir en envahissant l’espace créé à la suite du Big Bang. Mais, en s’agrandissant, l’univers qui, à ses débuts, était d’une chaleur et d’une densité inimaginables, se dilue et se refroidit. De vastes nuages de gaz et de poussières, créés par le Big Bang, se forment ici et là, se compactent de plus en plus sous la force de gravitation et se réchauffent considérablement.

Un milliard d’années après le Big Bang, des feux jaillissent ici et là dans ces nuages : les premières étoiles sont nées ! Ce fut en quelque sorte le fiat lux de la Genèse. L’univers qui, à ses débuts, était une soupe quasi totalement uniforme de particules et semblait s’acheminer vers la plus grande platitude, se révèle de plus en plus dynamique dans sa marche vers la complexité. Où donc s’en va-t-il cet immense et mystérieux bonhomme ?

- Et où donc? s’écrièrent simultanément Simon et Minouchka ?

-Où ? Eh bien, nous verrons ça la prochaine fois, qu’en dites-vous ?


[i] Le proton, on s’en souvient est une partie constituante du noyau de l’atome mais, dans l’univers qui vient de naître, il barbotte pour ainsi dire tout nu et sans l’armure de l’atome pour le protéger car l’atome n’existe pas encore.


[ii] Il s’git ici d’électrons libres, c'est-à-dire qui ne sont pas encore intégrés aux noyaux des atomes qui ne sont pas encore formés. Éventuellement, ces électrons viendront danser autour des noyaux des atomes.

lundi 14 mars 2011

Minouchka et le Big Bang

Touristes de l’Univers – Chapitre 5

Ce matin, au réveil, surprise ! Nous avions une visiteuse : la petite femme de mon petit bonhomme était là, Minouchka, occupée à le frotter et le bichonner pour le soulager de toutes ces bosses et écorchures qu’il s’était infligées en dégringolant de ses échelles. Lui, de son côté, ne cessait de me lancer des regards soupçonneux. «Bon, lui lança-t-elle, décide-toi et dis-lui ce qui te turlupine.»

«C’est cette histoire de Big Bang que j’ai de travers dans la gorge, me lança-t-il, me défiant des yeux.
- …..
- D’abord, quand a-t-il eu lieu ce fameux feu d’artifice ?
- Il ya 14,7 milliards d’années, nous disent les astrophysiciens.

Là, c’est Minouchka qui, après un moment de silence, est intervenue :

- Je veux bien mais que se passait-il, disons il ya quinze milliards d’années ?
- Ta question, je le regrette, ma chère Minouchka, n’a pas de sens.
- Pas de sens ? me répliqua-t-elle. Comment ça pas de sens ?
- Bon, regardons le phénomène du Big Bang en deux temps : pour qu’il y ait explosion, il fallait d’abord un pétard. Ce qu’on appelle le Big Bang, ce n’est pas le pétard lui-même mais l’incroyable déflagration causée par le pétard. En d’autres mots, le Bang est survenu après l’apparition du pétard. Me suis-tu ?
- Oui, mais d’où venait-il ce pétard ?
- Là, c’est la question à un milliard de dollars. On ne le sait pas. On spécule sur ce que certains appellent «un vide rempli d’énergie» ou l’apparition inexplicable d’une infiniment petite particule d’une densité et d’une chaleur inimaginables qui auraient, l’un ou l‘autre, provoqué l’explosion mais, en fait, on est devant un mur qu’on ne pourra probablement jamais traverser pour voir ce qu’il y a de l’autre côté. C’est ce qu’on appelle «le mur de Planck» du nom du scientifique qui en a avancé l’idée.

Minouchka mijota un moment mes propos mais, sous les yeux médusés de son petit bonhomme de mari, revint à la charge :

- Pourquoi dites-vous que ma question n’a pas de sens lorsque je vous demande ce qui se passait il y a quinze milliards d’années ?
- Parce que ce que j’appelle le pétard, c’est l’apparition inexplicable de l’univers, le mystérieux moment zéro. Et, avant cette apparition, le temps n’existait pas. Le temps est né avec l’apparition de l’univers. Pas d’univers, pas de temps.
- Voyons donc, est alors intervenu mon petit bonhomme, comme si le temps pouvait ne pas exister. Je sens que tu vas me sortir que c’est parce que les calendriers et les horloges n’avaient pas encore été inventés.
- Pas du tout. C’est tout simplement parce que, avant le Big Bang, le temps n’existait pas, point à la ligne.

Mon petit bonhomme, exaspéré, détourna la tête en expirant bruyamment.

Minoucka a cessé un moment de frotter son bonhomme et m’a lancé un regard étonné mais n’a pas pipé mot.

- Le temps, dis-je, n’est qu’une mesure entre deux événements. S’il n’y a pas d’événement, il n’y a pas de temps.
- Répète ça pour voir, dit le petit bonhomme.
- Supposons que, par la pensée, nous nous retrouvions, toi et moi, dans le néant. Un néant absolu. Il n’y a rien et ne se passe rien. Même toi et moi n’y sommes que par la pensée. Nous n’avons donc aucun moyen de mesurer le temps car il ne se passe rien, absolument rien. Nous n’avons pas d’horloge pour calculer le temps qui passe, ni de cœur pour en calculer les battements car nous ne sommes même pas là en personne, nous n’y sommes que par la pensée. Donc, où que se porte notre pensée, il ne se passe rien. Nous n’avons aucun repère pour mesurer le temps.

Je les laissai un instant mijoter ce que je venais de dire, puis continuai :

- Ce qu’il faut bien voir ici c’est que le temps n’est qu’un moyen de mesurer la distance en heures, en minutes, en secondes, etc. entre deux événements. En somme, le temps n’existe pas en soi. Le temps n’est pas une chose qui se promène sur la rue. Il n’est qu’une unité de mesure inventée par notre esprit pour mesurer l’espace temporel entre des événements. Me comprenez-vous bien ?

Lui, je ne sais pas. Mais, Minouchka, elle, semblait avoir bien saisi l’idée. Je me tournai alors vers elle et continuai :

- De sorte que lorsque tu me demandes ce qui se passait il y a quinze milliards d’années et que je te dis que ta question n’a pas de sens c’est parce que le temps n’a commencé d’exister qu’avec le pétard de l’apparition de l’univers, il y a 14,7 milliards d’années.

Un sonore et perplexe «Mouais !» fut la seule réponse de mon petit bonhomme. Je me tus pour le laisser digérer cette notion quelque peu indigeste du temps.
……….

- Bon, très bien, reprit mon petit bonhomme : parler du moment où est survenu le Big Bang n’a pas de sens. Mais sait-on, à tout le moins où est survenue cette fameuse déflagration, à quel endroit dans l’espace ?

Je réfléchis un petit moment et leur proposai de faire une pause et d’aller grignoter une tartine et boire un café. Car, leur dis-je, il faudrait mieux laisser cette notion de temps faire son chemin dans leurs cerveaux avant de s’attaquer à la notion d’espace qui risquait, elle aussi, d’ébranler leurs convictions de toujours.

On aura beau déblatérer sur toutes ces compagnies internationales qui envahissent nos pays. Le café chez Tim Horton’s est vraiment bon. On nous garantit même que celui qu’on nous sert a été préparé dans les dix minutes qui précèdent. Eux au moins savent ce qu’est le temps.













lundi 7 mars 2011

Le Big Bang

Touristes de l’Univers – Chapitre 4

Au chapitre 3, on a vu que j’ai promis à mon petit bonhomme de lui conter la merveilleuse et véridique histoire de l’apparition de l’homme sur la Terre. Alors, je lui ai tiré un petit banc et l’ai prié de s’y asseoir car la longue histoire que j’avais à lui raconter risquait de le faire basculer encore une fois.
Avant d’aborder l’apparition de l’homme sur la Terre, il faudrait bien, lui ai-je dit, commencer par s’entendre sur l’apparition de la Terre elle-même pour que l’Homme puisse s’y nicher. Et, quant à y être, il faudrait bien tenter de découvrir comment l’Univers a surgi pour que la Terre s’y trouve elle aussi une niche.
Nous savons bien que pour les pères de nos pères et même bien avant, l’Univers était là simplement parce que le Bon Dieu en avait décidé ainsi. Ils étaient donc loin de se poser cette intrigante question que Leibniz posait au XVIIe siècle : «Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?».
Mais les fouineuses petites créatures du Bon Dieu avaient quand même fini par comprendre que, en matière de création de l’Univers, les Saintes Écritures recelaient des contes imagés et enchanteurs, mais qu’il ne fallait pas prendre ces contes au pied de la lettre. Alors on a vu de nombreux grands esprits de la Grèce antique et, beaucoup plus tard, des Copernic, Galilée, Kepler et tous leurs successeurs se mettre à chercher «Comment ça marche ?». C’est ainsi qu’ils ont successivement découvert, comme on l’a déjà vu, que la Terre n’était en fin de compte qu’un petit grain de sable perdu dans une galaxie qui était une immense poche de milliards d’étoiles connue sous le nom de Voie Lactée et que l’Univers contenait des milliards d’autres poches d’étoiles. C’est le dénommé Hubble, on s’en souvient, qui a fait cette stupéfiante dernière découverte en 1923.

On persistait toutefois à croire que ces milliards de galaxies étaient figées à tout jamais dans l’Univers. Mais, en 1929, notre ami Hubble, l’œil rivé toutes les nuits sur son télescope du Mont Wilson,[i] fit une découverte encore plus stupéfiante : les galaxies bougeaient ! Plus que ça : elles étaient en fuite, s’éloignant l’une de l’autre à des vitesses folles. Comme des pestiférées. Tous les savants en tombèrent de leurs chaises.[ii] Même le grand Einstein en fut complètement décontenancé, lui qui tenait mordicus à l’immobilité des galaxies.

Étrangement, sur le coup, on ne se posa pas tellement la question qui nous vient à l’esprit : d’où étaient-elles donc parties pour se fuir ainsi ?

Il faut dire ici que, avant même que Hubble découvre la fuite des galaxies, le physicien et mathématicien russe Alexandre Friedmann, se basant sur les équations d’Einstein, avait avancé, dès 1922, l’hypothèse d’un univers en expansion, ce qui l’amena dans une violente controverse avec Einstein lui-même qui tenait mordicus à son univers statique jusqu’à ce que la découverte de Hubble lui ouvrît les yeux.

Puis, indépendamment des travaux de Friedmann, et avant la découverte de Hubble, le chanoine Georges Lemaître, astronome et physicien belge, avait affirmé à son tour, en 1927, que l’univers était en expansion. Il avait même proposé une évolution de l’univers à partir d’un «atome primitif». On voit ici se pointer le nez de ce que le cosmologiste britannique, Fred Hoyle, appelait par dérision le «Big Bang», lui qui était un détracteur à tout poil de cette théorie.
Un autre important joueur entre alors en scène pour supporter la théorie de l’atome primitif, dès lors appelé le Big Bang : le scientifique américano-russe George Gamov.

Ici, mon petit bonhomme qui n’avait cessé de me regarder de ses grands yeux, m’interrompit :
- Hop-là ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Big Bang ? Êtes-vous en train de m’emberlificoter dans des explications soi-disant scientifiques pour me faire oublier mes chers Adam et Ève ?
- Mais non, mais non. Le Big Bang c’est comme une grenade : si on filme la grenade au moment de son explosion, on voit alors les pièces se répandre de toutes parts. Si maintenant, on tourne le film à l’envers, ont voit les pièces se rassembler dans la grenade redevenue compacte. On s’est dit que, de la même façon que les pièces de la grenade, les galaxies qui se fuient les unes les autres ont bien dû, à un moment donné, être rapprochées les unes des autres.
- Mais, combien rapprochées ?
- C’est ici, mon bonhomme, que l’on entre dans l’incroyable : suivant la théorie du Big Bang, toute la matière de l’Univers, galaxies, étoiles, planètes, plantes, animaux, humains, et aussi toute l’énergie que recèle l’Univers d’aujourd’hui, tout, tu m’entends, absolument tout, serait parti d’un point zéro ! Aussi bien dire de rien. Et ce rien, une infiniment petite particule ou peut-être une parcelle d’énergie, (sait-on ?) aurait explosé pour créer tout l’univers. C’est rien de moins que le truc du magicien qui fait sortir de son chapeau, abracadabra, un lapin qui n’était pas là la minute d’avant.

Le petit bonhomme leva vers moi un œil sceptique et me lança :
- C’est un bien petit chapeau pour un si gros lapin, me fit-il remarquer avec beaucoup d’à-propos.
- Oui, tu as bien raison et c’est pourquoi, malgré la découverte faite par Hubble d’un univers en fuite, on n’arrivait pas à croire que toute la matière et toute l’énergie de notre immense Univers seraient issues d’un rien ou d’un presque rien des milliards de fois plus petit qu’une pointe d’aiguille. Avouons que c’est invraisemblable.

C’est ici qu’intervient le génial Gamow : si vraiment notre univers est issu d’une telle formidable explosion, on devrait pouvoir encore trouver des traces de cette explosion dans notre univers d’aujourd’hui. Gamow et le célèbre américain Fred Hoyle (qui refusait obstinément de croire au Big Bang) s’engagent dans une lutte épique sur le sujet. Si Gamow a raison, la théorie du Big Bang tient la route. Autrement, le Big Bang n’est que le produit de l’imagination délirante des astrophysiciens. Mais comment Gamow peut-il trouver, dans l'immense univers d'aujourd'hui, les traces infiniment affaibllies d'une explosion survenue il y a plus de quatorze milliards d'années? N’y pensons même pas.
Sauf que…

Un de ces quatre matins, deux ingénieurs, que la compagnie Bell avait engagés pour retrouver la trace d’un satellite de communication que la NASA avait lancé dans l’espace et qu’on n’arrivait plus à retrouver, se mirent à la tâche. Alors nos deux bonhommes, Arno Penzias et Robert Wilson, construisirent une énorme antenne dans l’espoir de capter les signaux du satellite égaré dans l’espace. Ils étaient bien agacés car ils captaient sur leur antenne de la «friture» qui brouillait les signaux du satellite qu’ils recherchaient. Ils crurent que ces grésillements provenaient des signaux de postes de radio environnants ou même de fientes de pigeons ou de quelque autre saloperie. Ils nettoyèrent leur antenne à fond et firent toutes les vérifications possibles. Rien à faire : l’agaçante friture leur vrillait les oreilles. Et, chose étrange, le grésillement était constant, sans aucune variation. La chose les intriguait au plus haut point.

Dans l’intervalle, un groupe de scientifiques dirigé par le physicien américain Robert Dicke s’était, de son côté, attelé à la tâche de découvrir des traces du Big Bang qui devaient encore persister dans l’univers d’aujourd’hui suivant l’intuition de Gamow. Ces chercheurs eurent vent de l’étrange grésillement que Penzias et Wilson captaient sur leur antenne et comprirent vite qu’il s’agissait là du faible rayonnement fossile qui venait de la nuit des temps : du Big Bang.
Cette découverte sensationnelle mérita le prix Nobel à Penzias et Wilson et confirma la théorie du Big Bang à laquelle tous les scientifiques adhèrent aujourd’hui malgré son caractère invraisemblable. Le pape Pie XII tenta bien de récupérer cette théorie pour confirmer l’histoire racontée par la Genèse d’une création divine à partir de rien mais le chanoine Lemaître lui fit comprendre qu’il charriait un peu fort en voulant ainsi mêler science et religion.
En deux mots : toute la matière et toute l’énergie de notre Univers d’aujourd’hui proviendraient d’une infime particule (en fait, on ne sait pas ce que c’est) dont la formidable explosion (il y a au-delà de quatorze milliards d’années !) aurait constitué le coup de départ de notre immense Univers.

Alors, non, définitivement non : la création de l’Univers n’est pas survenue le 23 octobre de l’an 4004 AC à 9 heures du matin comme le prétendait l’un des imitateurs de l’archevêque James Ussher ainsi que nous l’avons vu précédemment au chapitre 3.

- Non mais ça va pas la tête, ces grands cocos qui veulent nous enfourner dans le crâne leur folle histoire de Big Bang, m’a lancé mon petit bonhomme l’air plus buté que jamais.
- Attends, lui ai-je dit, la suite de l’histoire : la création de la terre et l’apparition de l’homme. Pour l’instant, dormons un peu là-dessus. Nous reprendrons l’histoire demain matin.
Le temps que j’étouffe un bâillement et lui ronflait déjà.

[i] À se faire geler les couilles car on n’avait pas encore ces confortables labos où les astronomes d’aujourd’hui peuvent à loisir et bien au chaud examiner les astres sur les écrans de leurs ordinateurs.
[ii] Et même de leurs chaires pour tous ces grands professeurs qui dispensaient leur savoir dans les universités.

dimanche 6 mars 2011

D'Adam à Darwin

Touristes de l’Univers - Chapitre 3

N’allez pas croire que, malgré sa déconfiture qui l’a fait dégringoler jusqu’à la dernière et unique marche de son échelle, notre petit homme allait abandonner la partie. Nombril de l’Univers ou pas, il demeurait l’enfant chéri du Dieu qui, du geste tout-puissant de sa main, l’avait créé tout rond, comme le représente si bien le peintre Raphaël, puis l’avait nommé Adam, et l’avait installé au milieu d’un paradis époustouflant de beauté.



Et, pour ne pas laisser son petit bonhomme tout seul, Dieu avait plongé sa main magique dans le torse musclé d’Adam pour lui en retirer une côte et, subito presto, transformer cette côte en une magnifique créature qu’il avait baptisée Ève. Beauté, douceur, charme, amour, cette femme avait tous les attributs dont un homme puisse rêver. Tous, je vous dis, absolument tous. Aucune faille…sauf une toute petite faiblesse : elle aimait les pommes ! Nous n’allons quand même pas ergoter là-dessus ? Qui n’aime pas les pommes, hein ? Sauf que le tout-puissant créateur leur avait dit d’un air sévère, en montrant les pommiers qui ornaient le magnifique paradis : «Pas touche, les enfants, pas touche !» Pourquoi ? Allez donc savoir. Peut-être pour bien leur faire voir que c’était Lui, le Boss ? Les boss sont comme ça, vous le savez bien : ils aiment faire sentir leur autorité, ne serait-ce que sur des vétilles.

Mais Ève avait une nature taquine et aimait bien se faire courir après par son homme. Alors, un beau jour d’automne, alors que tous les pommiers regorgeaient de fruits, elle décrocha une pomme et, jetant un coup d’œil provocateur à Adam, elle partit en courant dans le verger. «Ah bien, ma p’tite vlimeuse»[i], cria Adam en sautant sur ses jambes. Ils coururent comme ça un bon moment au milieu des pommiers jusqu’à ce qu’Adam l’attrape par sa petite culotte et qu’ils tourneboulent tous deux jusqu’à se retrouver dans les bras l’un de l’autre. Ève avait déjà la moitié de la pomme entre les dents et, en riant, Adam enfourna l’autre moitié dans sa bouche puis, d’un même geste rieur, ils croquèrent la pomme…CATASTROPHE ! MALHEUR DE MALHEUR ! Le Vieux, là-haut n’entendait pas à rire. Vous connaissez la suite, n’est-ce pas, de cet innocent petit jeu amoureux.

Ne cherchez pas plus loin, c’est ainsi que commença la pénible odyssée de l’homme sur la Terre.

Malgré la dégringolade que lui firent subir les Copernic, Galilée, Herschel, Shapley, Hubble et Cie qui le délogèrent, barreau par barreau de son échelle, et malgré la sévère punition de son créateur, notre petit bonhomme resta bien assis sur le dernier échelon, sûr de son fait : il demeurait, parmi toutes les créatures de l’Univers, l’enfant chéri du Dieu qui l’avait créé tout rond et planté sur la Terre.

Quand, dites-vous ? Bien, il n’y a pas si longtemps : l’archevêque James Ussher affirmait, en 1654, que la Création avait eu lieu au début de la nuit précédant le 23 octobre de l'an 4004 av. J.-C.,[ii] tout cela basé sur un calcul rigoureux du nombre de générations et de l’âge des personnages des Saintes Écritures ! Tout en tenant compte aussi, bien évidemment, des cinq jours qu’il fallut pour mettre en place l’Univers avant d’y installer l’homme le sixième jour. Alors, qu’on ne vienne pas nous casser les pieds avec ces théories qui font remonter la création de l’Univers à quelques milliards d’années.

Mais ne voilà-t-il pas que, en 1859, ce petit drôle de Charles Darwin vient brouiller les cartes avec sa théorie de l’évolution : l’homme ne serait en fin de compte que l’aboutissement d’une longue évolution de la vie commencée avec de petites molécules il y a plus de trois milliards d’années. Que l’enfant chéri créé tout rond par le Père éternel ne serait en fait que l’aboutissement d’une longue chaîne buissonnante de transformations d’êtres monstrueux qu’on a baptisés tour à tour de noms affectueux comme Proconsul, Pithécanthrope, Australopithèque, Homme de Neandertal, Homme de Cro-Magnon, etc.,etc. On poussa même l’insulte jusqu’à dire que l’homme ne serait qu’un quelconque cousin éloigné du singe.[iii]

Alors notre petit homme, rouge de colère, s’agrippant de toute force au dernier barreau de son échelle, s’écria :

-Non, non et non ! Votre Darwin est un sale menteur. L’homme demeure à jamais l’enfant chéri de Dieu le Père qui, je vous le répète, l’a créé tout rond et d’un seul geste.
- Mais, s’Il l’aime tant, pourquoi alors l’a-t-il chassé de son paradis ?
- C’est parce qu’il avait commis le péché originel et lui avait ainsi désobéi, faut-il que je vous le répète cent fois ?
- Mais pourquoi faut-il que nous portions encore le fardeau de cet insignifiant petit péché après tous ces innombrables millénaires ?
- Parce que le péché originel est une maladie héréditaire.
- Héréditaire ? Comment ça ?
- Parce qu’elle se transmet de génération en génération par la copulation. On ne peut pas y échapper. C’est Saint Augustin lui-même qui l’a dit.

Que peut-on répondre à ça, dites-moi ?

Y a-t-il vraiment moyen de faire comprendre à notre petit homme que tous les scientifiques sérieux d’aujourd’hui admettent la théorie de l’évolution avancée par Charles Darwin ?

Que l’homme moderne, doté d’une conscience, l’homo sapiens, comme l’appellent ces scientifiques, n’est pas seulement l’aboutissement d’un quelconque primate, mais qu’il est le produit d’une longue chaîne de montage qui a connu bien des ratés et de multiples culs de sac ?

Que cette longue chaîne a d’abord commencé par ce qu’on croit être l’apparition de molécules organiques simples qui sont les briques de base du vivant ? De là, une longue évolution, passant par de multiples phases, aurait produit des animalcules, puis une végétation qui aurait envahi la terre ?

Que tout ce foisonnement de vie aurait abouti, par le jeu de l’évolution, à des multitudes d’animaux de plus en plus performants…jusqu’à l’apparition, en bout de piste, de l’homo sapiens, c’est-à-dire vous et moi ?

Que, si l’on remonte encore plus loin dans la longue chaîne de l’évolution, on débouche sur les étoiles où se sont formés la plupart des atomes qui constituent toute la matière connue, y compris, encore une fois, vous et moi ?
Que nous sommes en fin de compte, «poussières d’étoiles», comme le dit si bien Hubert Reeves ?
N’est-ce pas merveilleux ? N’est-ce pas encore plus merveilleux et plus crédible, vu le support apporté par nos grands savants à la théorie de l’évolution, que la jolie fable racontée dans la Bible ?

N’es-tu pas émerveillé à la pensée que toi, petit bonhomme, et tous les humains de la Terre sont des descendants des magnifiques étoiles qui illuminent nos nuits ?

Après être resté songeur un long moment, le petit bonhomme s’est soulevé du dernier échelon auquel il s’accrochait désespérément depuis si longtemps et, d’un vigoureux coup de pied, a complètement démoli ce qui restait de sa pauvre échelle. Puis, il a levé vers moi un regard interrogateur.
D’un simple petit signe de tête et d’un clignement des yeux, je lui ai promis que, la prochaine fois, je lui raconterais la merveilleuse et véridique histoire de l’apparition de l’homme sur la Terre.


[i] Coquine, en langage québécois (preuve que le paradis était au Québec… et le demeure).
[ii] Certains prétendent que ce fut plutôt le 26 octobre…à 9 heures du matin.
[iii] Ce qui entraîna les cris horrifiés de la bonne société anglaise victorienne : «Descendre du singe? Espérons que ce n’est pas vrai. Et si cela l’est, prions pour que ça ne s’ébruite pas» (Pierre Yves Morvan).

samedi 22 janvier 2011

De Galilée à Hubble


Touristes de l’Univers (suite)

Précisons ici que je ne suis ni historien, ni homme de science mais que les propos que je tiens dans cette rubrique sont inspirés de grands esprits scientifiques tels que Galilée, Newton, Einstein, Trinh Xuan Thuan, George Smoot, Hubert Reeves et maints autres (ce qui n’exclut pas quelques déraillements de ma part). Poursuivons donc cette odyssée de l’homme dans sa quête de compréhension de l’Univers.

Les notes (1), (2), etc. réfèrent à la toute fin du texte.


Chapitre 2. De Galilée à Hubble


Dans le chapitre 1, nous avons vu l’homme primitif vivre dans un Univers animiste où tous les êtres et toutes les choses étaient dotés d’un esprit au même titre que lui-même. Puis, il y a environ 10 000 ans, l’homme remplaça son Univers animiste par un Univers mythologique où des dieux multiples régissaient tout dans cet Univers. Puis, leur succéda le Dieu unique du Moyen Âge (hérité du Judaïsme et de l’Islamisme) qui aurait dicté les Saintes Écritures contenant l’explication de tous les mystères de l’Univers. On concevait dès lors que Dieu avait juché l’homme au sommet d’une échelle plantée sur la Terre, elle-même au centre de l’Univers. Et voilà, tout était dit. Il ne restait plus qu’à lire la Bible et à vénérer ce Dieu tout-puissant qui réglait tout l’Univers.

Au plan scientifique, depuis l’Antiquité et jusqu’au Moyen Âge, on voyait la voûte céleste comme une sphère surplombant la Terre et sur laquelle étaient greffées les étoiles et les planètes. Ces astres étaient tous sur un même plan et tournaient autour de la Terre immobile au centre de cette sphère extérieure.

La chose se comprend car, lorsque encore de nos jours, on contemple le ciel, on a vraiment l’illusion d’être immobile au milieu d’un vaste carrousel.

Lorsque Copernic et Galilée osèrent prétendre que la Terre n’était pas au centre de l’Univers, ils contredirent donc non seulement les Saintes Écritures mais aussi les conceptions de l’Univers qui prévalaient à l’époque.


Expansion de la pensée scientifique


Il ne faut pas croire que les avancées de Copernic et Galilée furent des mouvements isolés. Le mouvement culturel et artistique de la Renaissance, qui s’étendit environ du XIVe siècle au début du XVIIe siècle, avait déjà commencé à faire redécouvrir les philosophes de l’Antiquité et à remettre en question les conceptions rigides du Moyen Âge. L’évolution de la pensée s’étendit au monde scientifique et c’est ainsi que, au XVIe siècle, l’astronome danois Tycho Brahe établit que les étoiles se déplacent et que les cieux ne sont pas immuables, contrairement aux dires d’Aristote. Il établit aussi que la grande comète de 1577 avait une orbite elliptique et non circulaire, ébranlant ainsi un autre "dogme" d’Aristote de la soi-disant perfection des cieux voulant que tous les mouvements des astres soient circulaires. Puis l’astronome allemand, Johannes Kepler que Tycho Brahe avait engagé comme assistant, énonça les lois qui gouvernent le mouvement des planètes et dont la NASA se sert encore aujourd’hui pour combiner les rendez-vous de ses sondes spatiales avec la lune et les planètes. Mais qu’est-ce qui retenait les planètes dans les cieux ? Mystère pour le moment.

C’est l’Anglais Isaac Newton qui, vers 1666, trouva réponse à ce mystère en énonçant la loi de la gravitation universelle trouvant ainsi solution à l’énigme des planètes qui demeuraient en suspens dans les cieux sans pivoter sur les sphères cristallines imaginées par Eudoxe et Aristote et sans être poussées par les anges de Thomas d’Aquin. En gros, disons que cette loi de la gravitation veut que tous les corps s’attirent les uns les autres en fonction de leurs masses et de leurs distances. Plus ils sont massifs et rapprochés, plus ils s’attirent. Moins ils sont massifs et rapprochés, moins ils s’attirent. Une espèce de jeu d’équilibre qui, au niveau des astres, les fait se voisiner sans s’écraser les uns sur les autres, du moins généralement. Mais pourquoi en est-il ainsi ? C’est Einstein qui, trois siècles plus tard, apportera réponse à cette question. Nous y reviendrons.


Prévalence de la raison


Toutes ces découvertes sur le fonctionnement de l’univers eurent pour résultat qu’on se mit à croire que la raison humaine pouvait, en fin de compte, tout expliquer, sans que l’on ait à recourir à des divinités.

Au XVIIIe siècle, on entra ainsi dans l’ère du rationalisme qui, comme le définit le dictionnaire est «une tournure d’esprit qui n’accorde de valeur qu’à la raison». Donc rejet de toute intervention divine et, particulièrement, des Saintes Écritures, pour expliquer le fonctionnement de l’Univers. La science était considérée comme quasi-infaillible, comme capable de vaincre toutes les misères et maladies qui assaillaient l'humanité depuis toujours, comme capable de répondre à toutes les questions et en particulier aux questions philosophiques : Où sommes nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Pourquoi sommes-nous sur Terre ? (C. Marchal). (1) «Plus besoin de Dieu pour faire tourner la machine. Il suffisait que Dieu donne la pichenette de départ et tout fonctionnait tout seul.» (2)

Et, du même coup, entrée en scène du déterminisme : un principe qui, en somme, permet de prédire avec certitude les résultats d’une situation si on connaît à l’avance tous les «ingrédients» du problème. On se disait donc, par exemple, que si une pierre était jetée en l’air il suffisait de connaître sa position et sa vitesse initiales pour prédire à quel instant, où et à quelle vitesse elle allait tomber.

Donc, le XVIIIe siècle connut ainsi le triomphe de la raison. (3)


L’explication de l’Univers par la raison


Cette ouverture d’esprit sur la raison et la science s’étendirent évidemment de plus en plus à la vision de l’Univers.

Au XVIIIe siècle, sir William Herschel établit que le Soleil et tout notre système solaire font partie d’un immense troupeau d’étoiles, une galaxie (depuis lors appelée «Voie Lactée»). Tiens, tiens, tiens, le Soleil et son troupeau de comètes demeurent-ils alors au centre de ce troupeau (en supposant que ce soit vraiment le Soleil qui tourne autour de la Terre comme le soutenaient Copernic, Galilée et leurs successeurs) ? Mais oui, répondent en chœur les bâtisseurs de l’échelle qui avaient juché l’homme au plus haut échelon de cette échelle, car rien n’empêche alors de laisser l’homme au centre de l’Univers.

Mais, en 1918, Harlow Shapley détruit cette nouvelle illusion en délogeant le soleil de cette place centrale pour l’installer dans la banlieue de la Voie lactée. Nos bonshommes n’aiment pas l’idée : ils dégringolent de plusieurs échelons sur leur échelle déjà chambranlante.

À ce moment, on s’imagine que la Voie lactée constitue tout l’univers : notre galaxie devient une grosse goutte d’étoiles au milieu d’un océan de vide et il est quand même rassurant de se dire que l’homme est intégré à cette grosse goutte qui constitue tout l’Univers.

Mais voilà que, en 1924…

À l’aide du télescope du Mont Wilson en Californie, Edwin Hubble établit qu’il existe d’autres galaxies en dehors de la Voie Lactée. Dès lors, notre soi-disant immense galaxie ne devient à son tour qu’une goutte parmi une multitude d’autres gouttes contenant chacune une infinité d’étoiles. Pour nos vaillants défenseurs de la suprématie de l’Homme au sein de l’Univers, c’est la dégringolade : ils se retrouvent le cul sur la première et unique marche de leur échelle presqu’entièrement démolie.

Comment s’en tireront-ils ? C’est ce que nous verrons au prochain chapitre.

(1) Sans oublier cette ultime question philosophique que pose Woody Allen : «Qu’allons-nous manger au souper ce soir?»

(2) Trinh Xuan Thuan «La mélodie secrète» Éd. Gallimard 1991


(3) Et voilà que notre petit bout de cul se trouve une nouvelle échelle pour dominer le monde.

Mais n’oublions pas que cette nouvelle échelle fut à son tour durement ébranlée par la mécanique quantique dont vous trouverez la référence sous la rubrique «La physique pour le nuls» (Capsule de physique No 3) du 4 novembre 2010.