jeudi 4 novembre 2010

Capsule de physique No 3

Retour sur le cœur de la matière

Si l’on se réfère aux capsules Nos 1 & 2 des 9 et 22 août dernier, nous savons donc maintenant que l’atome, si petit soit-il, n’est pas le plus petit corpuscule connu. Il comprend un noyau entouré d’électrons extrêmement petits qui pirouettent autour du noyau et sont insécables (qu’on ne peut couper).

De son côté, le noyau est composé de protons et de neutrons qui sont eux-mêmes des agglomérats de quarks. On représente souvent l’atome comme ceci, bien qu’il s’agisse d’une image fictive car on n’a jamais vu l’atome :

Dans cette illustration de l’atome, les billes rouges et bleues représentent le noyau, composé de protons (billes rouges) et de neutrons (billes bleues). Les électrons sont les boules noires.

Toute la matière connue est faite d’atomes : votre table d’ordinateur, la petite fleur que vous y avez mise, votre chat qui vient se frôler sur votre jambe, le soleil dont les rayons entrent par votre fenêtre, les étoiles qui enchantent vos nuits, vous, moi, tout est atomes.

Mais ce qui est étonnant, c’est que les atomes sont surtout faits de vide. Si, comme le disait récemment un de mes amis physiciens, on se représentait le noyau de l’atome comme la pointe d’une aiguille, la taille de l’atome correspondrait au volume de la pièce dans laquelle vous êtes assis à votre ordinateur. Donc un noyau de la taille d’une pointe d’aiguille (qui, incidemment, contient 99,98% de la masse de l’atome) perdue dans l’immensité d’une pièce et tout le reste est un vide sillonné par de minuscules électrons (qui ne représentent que 0,02% de la masse de l’atome, aussi bien dire presque rien). Bizarre n’est-ce pas, de penser que nous sommes faits essentiellement de vide ! (Je vous entends marmonner que, dans mon cas, ça ne vous étonne pas).

Plus étonnant encore est le fait que les lois physiques habituelles, celles qui ont été énoncées particulièrement par le grand Isaac Newton et qui régissent notre comportement quotidien (comme, par exemple, la loi de la gravitation universelle qui vous garde les pieds collés au sol et permet d'interpréter aussi bien la chute des corps que le mouvement de la Lune autour de la Terre), deviennent négligeables sinon inapplicables dans le monde de l'extrêmement petit. Dans ce monde, ce sont d’autres lois qui prennent le devant de la scène : les lois de ce qu’on appelle la mécanique quantique. Cette mécanique décrit le comportement des atomes et des particules qui les composent.

Avec la théorie de la relativité d’Einstein, la mécanique quantique aura été la théorie scientifique la plus révolutionnaire du XXe siècle. Elle nous permet d'accéder au monde de l'extrêmement petit peuplé d'atomes, de photons, de neutrinos, de quarks et autres particules aux noms exotiques. C'est un monde bizarre et déroutant qui semble défier la logique et le bon sens. Pourtant, la théorie quantique a fait ses preuves, puisqu'elle est à l'origine des progrès technologiques fantastiques de notre époque : l'électronique, ses transistors, ses semi-conducteurs, le laser, etc.

Jusque vers les années 1920, on croyait bien connaître la nature de la matière et être en mesure de percer graduellement tous les secrets de l’univers. On prenait pour acquis que si l’on connaissait tous les ingrédients d’un problème, on pouvait le résoudre. Le monde était désormais sans mystères et, peu à peu, on arriverait à tout expliquer.

Le hasard n’avait aucune place dans cet univers déterministe où la raison régnait en maîtresse. Mais voilà que la mécanique quantique vient jeter une pierre dans cet étang de certitude : au niveau de l'extrêmement petit, le monde n'est plus ordonné, déterministe, comme dans notre quotidien. Il devient incertain et soumis au hasard. Le monde scientifique perd pied.

Cette mécanique nous ouvre les yeux sur de bien étranges mystères, particulièrement sur le fait que l’on ne peut plus prédire avec exactitude le comportement des particules mais qu’il faut se contenter de probabilités.

Je m’explique : si je m’installe sur le bord du trottoir et que je regarde une automobile passer devant moi, je peux évidemment situer exactement où se trouve cette automobile et, si j’ai en mains un radar, je peux, simultanément, connaître exactement sa vitesse. Eh bien, dans le monde quantique, rien ne va plus : si j’arrive à localiser un électron, je ne suis plus capable d’établir simultanément sa vitesse de déplacement.

Inversement, si j’établis cette vitesse, je ne sais plus avec exactitude où se trouve ce cachottier d’électron. Je dois me contenter de le situer approximativement. C’est ce que Heisenberg a appelé «le principe d’incertitude». Un sacrilège qui a ébranlé les fondements de la physique classique où l’on ne jurait que sur l’autel de la certitude.

Vous n’y comprenez rien à cette mécanique quantique? Eh bien, vous êtes sur la bonne voie : il n’y a rien à comprendre. « Je pense que je peux dire sans grande crainte de me tromper que personne ne comprend la mécanique quantique », disait le grand physicien Richard Feynman.

Mais il y a encore plus étrange dans ce monde de l'extrêmement petit : des particules qui naissent de rien et disparaissent en un éclair, comme le dit Pierre Yves Morvan :

«…pendant des temps très courts, le principe de conservation de l’énergie peut être violé. Ce principe dit en effet qu’on a rien pour rien, que tout se paie, ou encore qu’on ne peut avoir à la fois le beurre et l’argent du beurre. C’est déjà ce que disaient à leur manière Empédocle et Lavoisier : «Rien ne se perd, rien ne se crée».

Pourtant, les relations d’Heisenberg permettent que des couples particule/antiparticule apparaissent de rien et existent pendant un certain temps.

C’est dire que des particules naissent d’un coup de baguette quantique et entrent, sans aucune invitation dans le grand bal de l’être.»

Puis, on est incapable de calculer à quel moment un neutron disparaîtra : sa disparition est laissée au pur hasard. Lavoisier se retourne dans sa tombe.

Einstein a combattu toute sa vie la physique quantique, vainement. Il n’arrivait pas à admettre que, au niveau de l’infiniment petit, le comportement des particules soit laissé au hasard. D’où, sa célèbre phrase : «Dieu ne joue pas aux dés». Ce à quoi, son adversaire et pourtant ami, Niels Bohr, lui répondait : «Qui êtes-vous, Einstein, pour dire à Dieu ce qu’il doit faire?»

D’autre part, on ne sait plus ce qu’est véritablement la matière. Si, par exemple, on examine la trace qu’un électron laisse sur une plaque métallique, on décèle une particule. Si on lui tourne le dos, il se comporte comme une onde. Certains avancent même une «théorie des cordes» où l’atome ne serait pas un corpuscule mais serait fait de vibrations ??? Qui donc est-il véritablement ? J’aime bien à cet égard rappeler les mots de l’astrophysicien James Dean qui disait que l’univers ressemble parfois plus à une grande pensée qu’à une grande machine.

On peut donc dire que, au niveau de l’extrêmement petit, la réalité nous échappe. Le monde des déterministes, qui s’acheminait vers un monde sans mystère, devient soudain un monde opaque où règnent des fantômes.

Bou !

2 commentaires:

ARMELLE a dit…

Eh bien, cher Jean, si l'univers ressemble davantage à une grande pensée qu'à une grande machine, rien ne nous interdit d'espérer qu'il y a quelque chose plutôt que rien, un Dieu plutôt que le hasard. Vous voyez la matière parvient à nous faire rêver et l'infiniment petit à nous ouvrir les portes de l'infiniment grand.

Jean Marcoux a dit…

Comme vous arrivez bien à retourner les choses, chère Armelle, pour dire votre espérance qu'il y a quelque chose plutôt que rien au bout de la route. Paradoxalement, il faut se dire qu'on ne le saura qu'après la mort. Pour l'instant, je me vois que comme un bref scintillement dans l'histoire de l'Univers, comme d'ailleurs tout ce qui existe. je suis un disciple d'Héraclite. «Ta panta rei», disait-il. Je n'en suis pas malheureux pour autant.