dimanche 29 mars 2009

L'horloge du temps

Fantaisie sur le temps
mercredi 3 décembre 2008

Le jour où le temps s’arrêta

Le temps entrait pieds nus
dans le jardin en pente
laissant sur le seuil
ses souliersd'inquiétude
Christian Bobin


C'était un matin beau comme un matin de Pâques. Un soleil, oblique et apaisant, avait chassé le vent et les ombres de la nuit. Un soleil de tendresse qui baignait doucement ce jardin de l'aube. Un jardin où l'on entre pieds nus par respect et pour sentir la fraîcheur de la terre sous le pied. Un jardin en pente douce, s'étirant si loin qu'on l'eût dit parti pour faire le tour de la terre.

Le temps y entra d'un pas feutré et, se laissant envahir par la beauté des lieux, sentit descendre en lui une paix qu'il n'avait jamais connue. Cette paix inattendue lui fit découvrir à quel point sa course à travers les millénaires l'avait épuisé sans qu'il ne s'en rendît compte. Alors, dans un moment de doux abandon, il fit une pause, une très brève pause car lorsqu'on s'appelle le temps, on ne s'arrête jamais.

Là-bas, on vit le soleil étonné suspendre sa course l'espace de ce moment. Les oiseaux, effrayés, cessèrent leurs cris. Il y eut même jusqu'aux fleurs qui stoppèrent l'ouverture de leurs corolles matinales.

Le temps, confus de cette défaillance, entreprit aussitôt de repartir son inexorable pendule. Une fois, deux fois, trois fois, il remonta le mécanisme de la machine à dérouler le temps. Peine perdue: elle était irrémédiablement grippée. Le Grand Horloger lui avait pourtant bien dit qu'il ne fallait jamais arrêter ces vieux engins. Et allez donc de nos jours trouver les pièces qu'il faut, si tant est que vous trouviez même un horloger.


Cette pause lui fut donc fatale. Il ne sut jamais repartir. Il s'était bel et bien arrêté pour toujours. Mais elle lui fut en même temps salutaire. Elle lui fit prendre conscience de la futilité de sa course à travers les siècles et l'amena même à se demander s'il existait encore puisque, dans cet univers immobile, plus rien ni personne ne pouvait prendre sa mesure.

L'univers, maintenant figé dans cette incroyable beauté, comprit qu'il avait atteint la fin des temps. Il n'y avait plus ni d'avant ni d'après.

Quant à l'homme, il ne lui restait du passé que des images effilochées. Il avait enfin trouvé la terre promise et s'était réfugié dans les bras d'un Dieu dont il avait pris l'image. Les remords des hier et les craintes des demains s'étaient évanouis. Il avait laissé sur le seuil ses souliers d'inquiétude.

C'est ainsi que, ce jour-là, le temps s'arrêta et, sans le savoir, devint l'éternité.

Publié par Jean Marcoux à l'adresse 13:13

Enregistrer un commentaire

jeudi 12 mars 2009

Comment j'écris mes poèmes

Comment j'écris mes poèmes

Comment j’écris mes poèmes, dites-vous?
Je vous le dis tout net
Je ne suis pas un poète
Mais s'il m'arrive quand même
Parfois d'en commettre
Eh bien, voici comment
J’attends un grand matin
Un matin où les pissenlits
Jaunissent les champs

Je grimpe alors
Sur un piquet de clôture
Et danse une gigue
Ou bien un rigodon
Pour me mettre en train
Et me réchauffer
Pieds autant que mains

Puis j’entre dans ma remise
Pour y décrocher
Un filet à papillons
Un filet à grand manche
Et à mailles serrées

J’attends alors que passe
Un petit nuage rose
Un de ceux vous savez
Qui ne se méfient de rien

Je l’attrape d’un geste vif
Et c’est sur son flanc
Que j’écris mon poème
Avec un grand pinceau
Large comme la main

Un poème vaporeux, il va sans dire
Car les nuages on le sait
Sont friables et peu fiables
Mais n’empêche j’écris vite

Et lorsque je mets
Un point final
À ma dernière rime
Je le relâche

Il s’envole aussitôt
Et dessine dans l’azur
Des rêves d’enfants

Car seuls les enfants
Vous l’ai-je dit?
Ont derrière les yeux
Les mondes merveilleux
Qu'il faut posséder
Pour lire mes poèmes


Le blogue de mon amie Anne Barguillet

Anne Barguillet
http://mon-bloghauteloire.blogs.allocine.fr/