mercredi 8 avril 2009

Notre île

Notre île

Cette année, c’est décidé, nous prenons nos vacances à l’île. Pas n’importe quelle île, notre île ! Vous nous connaissez n’est-ce pas ? Toujours en train de baguenauder, de traînasser à gauche et à droite, de rechercher des coins de pays dont ne parlent pas les guides touristiques : une éclaircie dans la forêt où poussent des bleuets gros comme le pouce, une vieille maison bleue cachée au bout du village et encerclé de pissenlits et de violettes, un petit bras de rivière où barbotent des crapets à l’ombre de grands saules, au détour d’une ruelle, une rangée de pyjamas colorés séchant sur une corde à linge pendue entre deux maisons, les vieux souliers accrochés au monument sur la tombe de Félix Leclerc … bref nous sommes des fouineux.

Et c’est ainsi que l’autre été, en ramant sur le fleuve, nous avons découvert notre île secrète. Pas grande je vous assure. On peut y tenir à dix mais pas plus. Ça fait rien nous sommes quatre avec les enfants. Il y a la visite mais bon, on leur dira de nager autour en attendant le souper.

Vous aimeriez bien que je vous dise où c’est. Ça non, je ne peux pas. D’abord parce que ce ne serait plus une île secrète mais aussi parce que, d’une fois à l’autre, on n’est jamais certain de la retrouver. C’est une île flottante. Et vous savez ce qui arrive aux îles flottant sur le fleuve. Eh bien, elles descendent avec le jusant et remontent avec le reflux. Vous dire la misère qu’on a eue à la retrouver d’une semaine à l’autre les premiers temps. Maintenant, ça va mieux car il y a les oiseaux. On se connaît bien maintenant les oiseaux et nous. L’île est pleine d’oiseaux, vous l’avais-je dit ? Deux variétés seulement, c’est pas difficile à retenir : des gros et des petits. Toujours est-il que, maintenant, les oiseaux nous connaissent et ils savent que nous apportons toujours une pochetée de croûtons et de moulée. Alors lorsqu’ils nous voient venir, ils s’installent au-dessus de l’île et ils piaillent à n’en plus finir. Comment on reconnaît que ce sont nos oiseaux ? Facile, je vous l’ai dit, il y a les gros et les petits.


J’aime bien que l’île demeure en place lorsque nous y allons et qu’elle ne passe pas son temps à se promener à gauche et à droite. Alors j’ai d’abord posé des rames sur la pointe de l’île. Cette pointe est si étroite que je peux m’y asseoir et ramer des deux mains. Une fois l’île ramenée en place, je l’ancre solidement à une tresse de joncs. Évidemment quand je quitte l’île, je la libère. Je suis anti-esclavagiste.

Il y a, il faut dire, les entre-saisons où l’on ne peut se rendre à l’île ni en chaloupe ni à pied sur la glace. Encore là, ce sont les oiseaux qui viennent à notre rescousse. Les gros seulement. En échange d’une double ration, ces messieurs et leurs dames accrochent solidement l’île dans leurs griffes et d’un merveilleux mouvement d’ensemble, ils arrachent l’île et la transportent jusqu’au plus proche rivage. Nous montons à bord et ils la retournent alors au mouillage en attendant notre signal de retour à la terre ferme.


Vous ne me croyez évidemment pas ? Eh bien, la prochaine fois que j’irai baguenauder, je vous amènerai. Avez-vous au moins une âme de traîneux, de vagabond, d’itinérant ? Sinon, allez vite vous en chercher une si vous voulez vraiment découvrir ce monde qui vous contient.

1 commentaire:

Yves C. a dit…

Je trouverai bien un jour cette île merveilleuse en vagabondant sur notre Fleuve à bord du Miraki. Je te jure que que j'ai une âme de traîneux , de vagabond et même d'itinérant. Bravo Jean pour ton imagination de rêve...s

Yves