samedi 4 avril 2009

L'effet papillon

L'effet papillon
samedi 21 mars 2009

Mes chères Jeannette et Fernande,

Je vous dédicace ce texte pour bien vous faire comprendre ce qu'est l'effet papillon que vous n'avez pas semblé avoir pigé malgré la démonstration éclatante qui en était faite dans le film «L'effet papillon» que nous avons vu l’hiver dernier. Voici donc le scénario que j'ai ébauché pour vous.

Supposons que, au sortir du cinéma, vous ayez courageusement décidé de m'accompagner pour nous rendre tous trois à la voiture plutôt que de me laisser affronter seul le temps froid en m'attendant frileusement à la chaleur comme vous l’avez fait.

Il faut, dès lors, prendre conscience que, si vous m’aviez accompagné à la voiture, ce léger changement dans notre comportement aurait pu à tout jamais changer le déroulement de nos vies. Il y aurait forcément eu un décalage horaire, ne serait-ce que de quelques minutes ou même de quelques secondes, dans ce déroulement : nous aurions marché un peu plus lentement pour nous rendre à la voiture, je vous aurais ouvert les portières, etc.

Donc, nous n'aurions pas quitté le terrain de stationnement tout à fait au même moment. En conséquence, les voitures que nous aurions croisées, les feux de circulation sur notre route ou les piétons qui auraient traversé la rue devant nous, n'auraient pas été les mêmes. Nous ne serions pas arrivés à la maison au même moment. Vous n'auriez peut-être pas flirté honteusement avec notre jeune portier comme vous l'avez fait. Je ne serais pas allé reconduire Fernande chez elle exactement à la même heure. Je me serais peut-être embourbé dans la neige mais pas exactement au même endroit, etc., etc.

De tout ceci, il faut bien comprendre deux choses: Primo, le déplacement d'une pièce de nos vies, si minime soit-il, entraîne le déplacement de toutes les autres, comme un jeu de dominos. Deuxio, il est impossible de reproduire exactement les mêmes comportements et les mêmes événements à deux moments différents. Il y aura immanquablement des différences, si petites soient-elles.
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Maintenant, voyons un peu quels auraient pu être les changements dans le cours de nos vies si vous étiez venues avec moi à la voiture en sortant du cinéma. Je vais illustrer de façon dramatique (mais ô combien réaliste) ces changements.

Supposons que, au retour, un chauffard nous soit entré dedans;
Que son pare-chocs ait violemment heurté ma portière;
Qu’il m’ait blessé sérieusement au point de déclencher une hémorragie cérébrale;
Que j'aie été hospitalisé au Jeffrey Hale avec le diagnostique «légume pour la vie»;
Que vous soyez venues, à tour de rôle, me faire manger ma petite soupe à la cuillère;
Que vous ayez engueulé un infirmier qui m’avait bousculé et que, pour se venger, il ait mis du poison dans ma soupe;
Que, aux funérailles, Fernande ait rencontré un de mes anciens confrères plein aux as;
Supposons qu'elle l'ait entortillé au point où le bonhomme l'aurait demandée en mariage et l'aurait emmenée à son ranch de Floride;
Que, à moitié morte de chagrin d'avoir perdu coup sur coup son mari et sa grande amie, Jeannette soit entrée chez les sœurs à cornettes;
Que, rendue là, Jeannette ait à son tour séduit le vieil aumônier riche à craquer lui aussi à force de voler l'argent dans le tronc des pauvres;
Supposons qu'ils aient alors défroqué tous deux;
Que Jeannette ait alors emmené son vieux curé en Floride pour rejoindre son amie Fernande;
Que, une fois sur place, vous vous soyez faites honteusement avantager toutes deux par vos riches conjoints;
Supposons que, maintenant riches, vous ayez plaqué vos vieux et vous soyez installées dans une riche villa sur le bord de la mer;
Que vous ayez alors fait venir mes cendres pour les enterrer dans votre jardin de pissenlits;
Que, dès lors, vous passiez là le reste de vos jours à recevoir vos gigolos et à écrire vos mémoires sur le temps où nous formions un heureux trio.
Supposons, supposons … ça n'a pas de fin, comme vous le soupçonnez sans doute.
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Saisissez-vous maintenant la signification de l'effet papillon?

J'espère que mes sages propos ne vous donneront pas des idées malsaines.

Affection,

Jean

Publié par Jean Marcoux à l'adresse 12:07 0 commentaires

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