mardi 26 mai 2009

Les corps célestes

Chers amis,


Dans ma capsule astronomique du 18 mai, je vous disais les difficultés d’entrer en communication avec d’autres êtres intelligents de l’Univers. Ce n’est pas tout à fait exact. Nous sommes tous en communication avec un corps céleste bien connu : notre ange gardien. Veux, veux pas, nous en avons tous un.


Ma mère me l’a dit, le frère Omer des écoles chrétiennes me l’a dit, mon confesseur le père Eusèbe me l’a dit, en somme toute la chrétienté le dit. Et quand une croyance comme celle-là est répandue à travers toute la chrétienté, on appelle ça La Tradition. Et, si vous prenez la peine de téléphoner à Benoît XVI, il vous confirmera que La Tradition est une source de foi aussi fiable que la Bible. Point à la ligne. Et n’allez pas commencer à m’objecter Jonas dans la baleine ou la traversée de la Mer Rouge : il n’y avait pas de BD dans le temps et les rédacteurs de la Bible avaient bien le droit de faire rigoler leurs lecteurs de temps en temps. D’ailleurs, l’Église catholique a conservé cette pratique de l’humour comme lorsque le Pape Pie IX dans sa bulle Ineffabilis Deus du 8 décembre 1854 a décrété que L'immaculée conception de Marie était un dogme de l'Église catholique.


Alors, revenons à nos anges gardiens.


Je ne sais pas pour vous, mais moi je le porte sur l’épaule gauche. Tout simplement parce que je suis droitier et que ça me laisse plus de liberté dans les mouvements de mon bras droit. Les anges gardiens savent ça d’instinct. C’est pas comme mon tailleur qui, la dernière fois que je me suis fait confectionner un pantalon m’a demandé, lorsqu’il s’est agi de l’ajustement de la fourche, si je «portais» à droite ou à gauche.


Donc, c’est sur mon épaule gauche que mon ange gardien se juche généralement. Parfois, toutefois, quand je joue au golf, il se niche sur mon épaule droite tout simplement pour accentuer le balancement de mon corps vers la droite lorsque je termine mon swing. Un instinct terrible, je vous dis.


Le mien est un modèle extensible. Peut s’étirer ou se raccourcir. (N’allez pas pour autant penser que je tiens là une poupée gonflable). Si, par exemple, il manque d’exercice, il se lève, se grandit, passe une jambe sur l’autre épaule et ainsi campé sur mes deux épaules, s’étire, baille un peu et se livre à quelques exercices. Même à ces moments, il conserve sa longue tunique blanche mais ne porte aucun sous-vêtement car il semble que, de là où il vient, on considère qu’il s’agit là de petites choses inutilement affriolantes. Il «s’éjarre»* forcément pour prendre une telle position mais jamais, je vous le jure, jamais je ne lève alors les yeux : je ne veux pour rien au monde intervenir dans les débats des théologiens sur le sexe des anges.


N’empêche que je crois les anges de sexe féminin. Je ne verse pas pour autant dans des considérations d’ordre théologique. Non, je me base simplement sur des questions de vêtements et de comportements typiquement féminins. Vous remarquerez que, dans toutes les illustrations que l’on fait des anges, ils portent toujours une tunique ou du moins une robe, parfois même un peu «écourtichée»*, mais jamais de pantalon. Feuilletez un peu votre «Histoire sainte illustrée» cachée dans un coin de votre bibliothèque et vous verrez bien. Au surplus, ils jouent généralement du luth, ont les cheveux bouclés, se tiennent les pieds élégamment croisés et ont souvent le menton gracieusement reposé sur la main. Ce sont là tout autant d’indices sur le sexe des anges, ne croyez-vous pas? Non, décidément, je les vois mal en joueurs de football ou en lutteurs sumo. Vous m’objecterez peut-être que toute la cohorte des êtres qui volètent dans le paradis porte des noms masculins : anges, archanges, chérubins, séraphins, etc. Mais ce n’est là qu’un indice du sexisme qui règne encore là-haut. Il y a tout de même les vierges qui conservent leur féminité. Mais à quel prix je vous dis : on leur associe généralement le titre de martyres.


Mon ange personnel, pour en revenir à lui (j’aimerais mieux dire à elle mais le Larousse s’y objecte résolument), je vous dirai que, même s’il est extensible, il adopte généralement le petit format : assis sur mon épaule gauche, pieds croisés, bras droit autour de mon cou pour assurer l’équilibre et la bouche à hauteur de mon oreille gauche pour me parler. Dieu ce qu’il peut parler! (Est-ce là un autre indice de sa féminité? Bon, je n’insiste pas). Toujours à me donner des conseils, généralement d’ordre moral. Si j’ai le malheur de lorgner un peu trop les jolies filles de la rue Cartier, il me lance des tut, tut, tut, menace de tout raconter à ma femme et va même jusqu’à me brouiller la vue. Dans de tels cas, j’exerce des représailles. Je fais quelques pas de course et m’arrête brusquement devant la devanture d’un commerce : forcément, il pique une tête dans la vitrine et se ramasse brutalement par terre. Il n’est pas content du tout, du tout, je vous assure et mijote alors des idées de vengeance mais, heureusement pour moi, il n’est pas rancunier.


Vous vous demandez sans doute s’il a des ailes. Mais oui il en a. Comme tous les anges d’ailleurs. Mais elles sont rétractables. Heureusement, car lorsque je descends une pente à skis, nous nous envolerions. Il adore le ski et ne cesse de crier tout le long de la descente. Ce qui m’agace beaucoup c’est que, lorsque la pente est vraiment raide, il se met les mains devant mes yeux pour bien s’accrocher. Vous dire le nombre d’arbres sur lesquels je me suis alors buté…


Malgré ces petits accrocs occasionnels, nous nous accommodons très bien, mon ange et moi. J’arrête là mes commentaires car il a une nature discrète et n’aime pas beaucoup que je parle de lui.


Et vous, comment vous arrangez-vous avec votre ange?


Votre vieil ami Jean


*québécisme

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