mercredi 16 décembre 2009

Le cadeau de Noël

Dans la nuit du 4 au 5 décembre dernier, Dieu est venu me rendre visite. Dieu le Père, j’entends. Ce n’est pas nouveau, Il fait ça chaque année. Pas vous?
Je ne peux pas dire que je Le vois vraiment, non, je dirais plutôt que je Le sens. Un peu comme Moïse et le buisson ardent. Il a d’ailleurs voulu une fois me faire ce coup du buisson ardent mais Il y a renoncé lorsqu’Il a compris ma réticence. Je ne voulais quand même pas qu’Il boute le feu à la maison.

Comme je vous disais, Il ne m’apparaît pas en chair et en os. D’ailleurs, nous le savons tous, Il n’a ni chair ni os, ce qui, entre nous, est bien pratique car Il n’a jamais de problème d’ostéoporose.

Ce n’est donc, que Sa présence que je ressens. Je dirais même où : dans le rocking chair de ma femme, là tout près de moi étendu dans mon lazy boy où je passe mes nuits. Il est là qui me regarde, paisible comme seul Dieu peut l’être. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’Il fume une pipe et sirote un brandy. Non, Il se contente de me parler. Pas besoin d’appareil auditif pour Le comprendre : Il parle, comment dirais-je, en-dedans de moi.

Il vient, me dit-il, m’apporter mon cadeau de Noël. J’apprécie Son geste, surtout depuis que je ne crois plus au Père Noël. Mais je reste sur mes gardes car ce sont parfois de dangereux cadeaux, comme la fois où Il m’a proposé de me révéler le jour et l’heure de ma mort ou de m’offrir un coup d’œil sur l’Apocalypse ou un retour en arrière de quelques soixante millions d'années pour une excursion sur un sentier de tyrannosaures ou, encore pire, un retour de George W. Bush à la présidence des États-Unis.
Je Lui ai demandé pourquoi Il venait si tôt cette année. Il m’a répondu qu’Il était très occupé à accueillir toutes les victimes de la grippe A (H1N1) et qu’Il profitait d’un petit répit avant un deuxième assaut de cette grippe, pour visiter quelques mortels.

«Alors, voilà, a-t-Il ajouté, le cadeau que je te propose cette année : choisis une personne, de par le vaste monde, une personne vraiment en danger de mort, et je te la sauve d’un claquement des doigts.
- Avez-vous vraiment le pouvoir de faire une telle chose ? Lui ai-je répliqué étourdiment.

Il m’a jeté un coup d’œil condescendant avant de me lancer «Tu n’es jamais vraiment allé à Lourdes, n’est-ce pas, ni même à l’Oratoire Saint-Joseph de Montréal ?

- Non, mais ce n’est pas Vous qui avez fait ces miracles, c’est la Vierge Marie et le Frère André.

- Mais d’où penses-tu donc qu’ils tiennent leurs pouvoirs ces deux là ? Et, toi-même, qui donc penses-tu t’a mis sur la terre ?

J’ai failli Lui répondre qu’Il devrait en toucher un mot à ma mère qui est sûrement assise là-haut, pas loin à sa droite, mais je n’ai pas répliqué car j’ai senti la colère poindre dans Sa voix.

Après un long moment de silence, Il m’a demandé sévèrement :

«Alors, tu le veux ou non ce cadeau que je t’ai apporté ?

-Oui, Seigneur, oh oui, je le veux.

-Ne m’appelle pas «Seigneur», c’est mon Fils qu’on appelle comme ça. Appelle-moi «Dieu Tout-Puissant», je m’en contenterai.

- Pardonnez-moi. Oui, Dieu Tout-Puissant, oui je le veux ce cadeau.

- Alors, nomme-moi la personne que je sauverai. Tu as une minute, je suis pressé par tous ceux qui m’attendent.

Spontanément, m’est venue en tête le nom d’un merveilleux ami à nous qui se meurt mais, avant même que j’aie pu prononcer son nom, Il m’a arrêté d’un geste de la main signifiant que je devrais bien réfléchir.

Et alors, Il a fait défiler devant mes yeux des images d’enfants du Soudan en train de mourir de faim, puis des prisonniers afghans que des talibans torturent jusqu’à leur dernier souffle, puis cette Pakistanaise qu’on est en train de lapider, puis ce petit bonhomme des favélas du Brésil poursuivi par une brigade de la mort, puis cette femme désespérée qui s’apprête à tuer ses enfants avant de se suicider, puis…

Quand j’ai ouvert mes yeux hésitants, il était trop tard. Il était parti.

Ça fait rien, je l’aurai quand même mon cadeau de Noël : ma femme m’a promis des pantoufles.

Mais une chose est sure : si le Bon Dieu décide de prendre sa retraite, je ne postulerai pas l’emploi. Les décisions sont trop dures à prendre.




mardi 1 décembre 2009

Rattacher les fils

Mes ancrages - Capsule No 6

Depuis le temps que j’ai entrepris de vous entretenir de cette rubrique que j’ai intitulée «Mes ancrages», permettez-moi aujourd’hui de rattacher tous les fils et de mettre un point final à ce chapitre. Après, je ne vous en reparlerai plus, promis ! Pour plus de détails, on peut se référer aux cinq blogues que j’ai publiés précédemment sous la rubrique «Mes ancrages».
Comme je l’ai déjà dit, j’ai entrepris cette rubrique pour bien démarquer combien ma conception des choses était différente des conceptions dépassées qu’entretiennent encore de nos jours les intégristes de tous acabits comme les islamistes défenseurs de la charia ou les Juifs ultra-orthodoxes qui prêchent la Torah ou les chrétiens attardés qui s’accrochent à leur Crédo et ne jurent que par une interprétation littérale de la Bible, ou tous les Raël de ce monde qui nous racontent des bobards pour se remplir les poches…pour ne mentionner que ceux-là.

En résumé, je crois que depuis que Galilée, Darwin et tous leurs successeurs nous ont ouvert les yeux sur la réalité des choses, ils ont opéré une véritable révolution culturelle et nous ont apporté l’immense bonheur de nous dégager des conceptions ancestrales dans lesquelles l’homme était figé depuis des siècles.
Sans prétendre que nous avons maintenant à portée de main La Vérité et que nous pouvons désormais débusquer tous les mystères de l’Univers et de notre présence dans cet Univers, nous pouvons à tout le moins écarter un sacré paquet d’idées toutes faites et lever de petits coins du voile sur ces innombrables, et bien souvent insondables, mystères de cet Univers dans lequel nous baignons.
Permettez-moi de résumer encore une fois les sujets qui ont fait l’objet de «Mes ancrages» (et qui reflètent du mieux que je peux ce que les scientifiques nous disent généralement aujourd’hui) :
- l’Univers est d’une immensité absolument inimaginable;

- la terre n’est pas le centre de l’Univers. Elle n’est qu’un tout petit astre qui pirouette, avec sept autres planètes, autour de son étoile, le soleil;

- le soleil et ses planètes font partie d’un immense troupeau (qu’on appelle galaxie) de quelques deux cents milliards d’étoiles. On appelle notre galaxie la «Voie lactée»;
- la Voie lactée est si immense que si nous pouvions voyager à la vitesse de la lumière (300 000 kilomètres à la seconde), il nous faudrait 90 000 ans pour la traverser de bout en bout;

- et ce n’est pas tout : l’Univers compte au-delà de cent milliards de galaxies, elles-mêmes constituées de centaines de milliards d’étoiles et de planètes;

- notre Univers serait né il y a un peu plus de 14 milliards d’années;

- cette naissance se serait faite lors de ce qu’on appelle le «Big Bang», une formidable explosion qui aurait donné naissance à la matière;

- la matière, qui à l’origine n’était qu’une vaste soupe informe de particules se débattant furieusement, se serait peu à peu organisée, après des millions d’années, pour créer des étoiles et des planètes;

- c’est ainsi qu’il y a 4,5 milliards d’années est né le soleil alors que la Terre, pour sa part, est vieille de 3,8 milliards d’années;

- la vie a commencé à se manifester discrètement sur la Terre il y a 3 milliards d’années sous forme de bactéries et d’êtres unicellulaires;

- la vie animale a surgi il y a environ 500 millions d’années;

- l’homme moderne, pour sa part, est vraiment un nouveau venu dans l’histoire de l’Univers : il est apparu il y a quelque 200 000 ans.

Ce sont là les fondements de ce que j’appelle mes ancrages. De ces fondements, je tire la conclusion que, avec le développement de son intelligence et de ses connaissances, l’homme est maintenant en mesure de comprendre:
-l’immensité de l’Univers dans lequel il est plongé et de prendre conscience des mystères insondables que recèle cet Univers;
- que l’homme est composé d’atomes forgés au cœur des étoiles, comme du reste toute la matière de l’Univers, et que son arbre généalogique ne remonte pas seulement aux primates mais qu’il est véritablement un descendant d’étoiles ;
- qu’il ne peut plus voir L’Univers comme on regarde les poissons rouges évoluant dans leur bocal mais qu’il est lui-même en train de nager dans ce bocal;
- que parmi les milliards d’autres planètes qui peuplent l’Univers, il y en a vraisemblablement d’autres habitées par des êtres intelligents ou peut-être même par des civilisations entières plus évoluées que la nôtre ;
- que l’homme est, comme tous les êtres et les choses qui peuplent l’Univers, en processus d’évolution et qu’il est appelé à disparaître comme toutes les choses et toutes les espèces;
- qu’il faut dès lors admettre que nous passons dans la vie comme de brefs éclairs qui disparaîtront à jamais et verront leurs atomes s’éparpiller dans l’Univers;
- que les religions sont des inventions humaines pour soulager l’angoisse de l’homme devant les mystères de l’Univers et sa propre disparition;
- que l’évolution permettra sans doute à l’homme de lever de plus en plus de voiles sur les mystères de l’Univers mais qu’il ne comprendra peut-être jamais le mystère de la naissance de l’Univers et de son apparition dans cet Univers;
- que d’imaginer qu’un Être suprême a tout déclenché n’est peut-être qu’une illusion;
- et, finalement, qu’il me paraît impossible de réconcilier l’immensité de l’Univers avec les conceptions lilliputiennes que nous proposent les religions. C’est une opération aussi futile que de tenter d’enfouir un milliard d’éléphants dans un dé à coudre.
Pour conclure, je dirai que je me sens extrêmement privilégié de vivre dans un moment de l’histoire de l’homme où celui-ci, grâce aux progrès de la science, a levé de nombreux voiles sur les mystères de son Univers.
Je clos ainsi cette rubrique intitulée «Mes ancrages» et, comme je l’ai promis, je ne reviendrai jamais plus sur le sujet de peur de vous lasser.
Le problème c’est que je ne tiens pas toujours mes promesses.







dimanche 1 novembre 2009

Mon rituel funéraire

Mes dernières volontés

Le jour où je partirai
et qu'il ne restera que ma carcasse
brûlez-la et recueillez les cendres

Mettez-les dans un sac d'épicerie
(en papier kraft, je n'aime pas le plastique)
et louez un salon de thé

Placez le sac sur un guéridon
au milieu du salon
et invitez mes amis
à venir danser autour

En buvant et se moquant de mes travers
en récitant des vers
et en bramant des chansons grivoises

Puis, rangez le sac dans l'armoire à débarras
et demandez à ma femme
si elle veut m'y rejoindre
lorsque son heure sera venue

Si elle veut bien,
quand viendra le temps
placez son sac à côté du mien
bien collés l'un sur l'autre

Alors, au printemps suivant,
versez les sacs l'un dans l'autre
sauf une pincée de nos cendres
que vous conserverez
dans deux petits pots séparés

Par un matin de grand soleil
apportez une pelle ronde
et recherchez un champ de pissenlits

Brassez le sac vigoureusement
pour bien mêler les cendres
puis versez-les dans la pelle

Et, d'un seul grand mouvement circulaire
projetez-les tout autour de vous

C'est ainsi que nous continuerons
à voir rouler les nuages
et scintiller les étoiles
tout en ventilant nos âmes

Mais ce n'est pas tout
au milieu des cendres ainsi répandues
creusez deux petits trous rapprochés

Versez dans chacun des petits pots
(ceux des pincées, vous vous souvenez,)
une graine, une seule
de coquelicot rouge pour moi
de marguerite blanche pour ma femme

Brassez un peu pour bien mêler
les graines aux cendres,
versez séparément
dans les deux petits trous
et recouvrez de terre

Puis arrosez un peu
une larme suffirait
à tenir lieu d'engrais

Telle que je connais ma femme
la marguerite en poussant
viendra se lover autour du coquelicot.

Et je signe, devant témoins,

Québec, le 1er novembre 2009

Jean Marcoux

vendredi 9 octobre 2009

Le grand quai de Portneuf

Vendredi, le 9 octobre

Mon bel amour,

Pour te faire oublier ces jours pluvieux qui nous barbouillent le cœur ces temps-ci, laisse-moi te rappeler qu’il existe encore des matins ensoleillés.

L’autre jour, de bon matin, je suis allé arpenter le grand quai de Portneuf qui s’étire sur près d’un kilomètre dans le fleuve. Si tu ne m’étais pas parue si confortablement enfouie dans ton sommeil, je t’aurais emmenée.

Le soleil était à peine levé. Un ciel pur, pas de vent. La marée était basse de sorte que les grandes herbes des battures étaient dégagées sur une bonne profondeur.

C'est d'abord un siffleux (que le dictionnaire tient à appeler marmotte) qui m'a accueilli. Il était immobile sur le bord du quai, aux aguets je crois bien, me regardant passer. Je lui ai lancé un "Salut siffleux, fait beau à matin hein?" comme ça, pour être aimable. Il ne m'a pas répondu. Pas même un petit signe de tête. Tout le monde dans le comté se dit bonjour en se croisant. Pas lui. Remarque bien que ça ne me fâche pas. À mon âge, on passe par-dessus ces petites choses-là. Puis, après tout, peut-être bien que les saluts aux étrangers ne font pas partie de la culture "siffleuse". Ou peut-être bien qu'il n'avait pas encore pris son petit déjeuner et que, comme beaucoup de bipèdes que je connais, il n'est pas causant à jeun.

Quoiqu'il en soit, j'ai continué mon chemin dans la bonne humeur. En examinant les battures, v’là t’y pas que j'aperçois au loin, parsemées ici et là, de bien étranges grosses fleurs, le cou cassé et plantées sur de solides tiges. Ça ressemblait à ces oiseaux du paradis qu'on achète chez les fleuristes, couleurs vives en moins car mes fleurs de battures étaient blanches. J'hésitais entre des fleurs et des bouts de branches lorsque l'une de ces fleurs s'est subitement "tirée en l'air" avec sa tige. Ma végétation aquatique s'était d'un coup transformée en de magnifiques grands hérons. Je savais bien qu'il y avait aux abords du quai une colonie de hérons. D'ailleurs, l'autre soir, tu t’en souviens, nous en avions comptés exactement vingt, juchés sur les grandes perches de la longue pêche à anguilles qui borde le quai. Mais je ne les avais jamais vus faisant la pêche au milieu des grandes herbes. Je ne les ai pas salués car ils étaient trop loin et, lorsqu'ils font la pêche, les hérons sont attentifs et silencieux. Il ne faut pas les déranger.
Tout ça c'était à la droite du quai mais, à la gauche, devine quoi. Sept ou huit belles outardes (dont le nom officiel est, comme tu sais, la bernache du Canada) qui se sont poliment dirigées vers moi pour me saluer silencieusement. Elles ne m'ont pas dit un mot toutefois car, bien élevées comme elles sont, elles ne parlent pas la bouche pleine. Et c'était, dans leur cas, l'heure du petit déjeuner. Elles ne cessaient pas de plonger dans l'eau la tête noire qu'elles portent au bout de leur long cou pour aller croquer des scirpes dans la vase des battures. Il faut dire que la rivière Portneuf rejoint le fleuve de ce côté gauche du quai et forme des petits étangs et des petits canaux qui permettent aux outardes, aux oies blanches et aux canards de naviguer joyeusement.
Les mouettes évidemment étaient au rendez-vous mais je ne saurais pas vraiment dire que leurs cris plaintifs visaient à me saluer car, comme tu le sais, ces dames causent beaucoup. Ce sont d'impénitentes bavardes.
Quelques petits oiseaux sont venus faire pirouettes et cabrioles sous mon nez en pépiant pour attirer l'attention et, savoir que tu ne me taxerais pas de prétentieux, je te dirais que je ne suis pas loin de croire qu'ils faisaient expressément pour moi ces exercices de sport extrême.
Les corneilles aussi (à qui je suis toujours prêt à pardonner de mettre souvent fin à mon sommeil matinal car elles me remplissent tellement le cœur de joie lorsqu'elles annoncent le printemps) étaient de la partie, ne se gênant pas pour entonner leur concert de trompettes nasillardes.

Les moments de silence étaient remplis par le grésillement incessant des grillons.

Mais il n'y en avait pas que pour les oreilles. Il y en avait aussi tout plein pour les yeux ce matin-là. De l'autre côté du fleuve, un peu sur la gauche, la pointe Platon qui s'étire frileusement un long pied dans l'eau. Plus loin sur la gauche, le cap Santé qui plonge fièrement dans le fleuve. À droite, c'est le cap de Deschambault, tout baigné de soleil, qui lui donne la réplique. Derrière, les arbres et les jolies petites maisons qui bordent le fleuve et, plus loin, le fin clocher de l'église de Portneuf qui perce le paysage.

Tout ceci dans l'air frais et pur d'un clair matin d’octobre. Si tu veux mon avis, ce pays ressemble sûrement beaucoup au pays d'Adam et Ève avant la pomme.

Tendresse

lundi 28 septembre 2009

L'avenir de l'être humain

Mes ancrages - Capsule No 5

Je vous rappelle que, dans ce que j’appelle «Mes ancrages», il s’agit d’une réflexion personnelle sur ce que je pense de ma place dans l’Univers. Je ne parle pas ex-cathedra. Je ne prétends pas détenir la vérité avec un grand V. Je ne lance pas un discours à la nation comme le font de temps en temps les présidents des USA. Je tente simplement de m’expliquer à moi-même (et, par le fait même, à ceux qui ont la patience de me lire) ce que je comprends de ma place dans cet Univers que j’habite. Je tente de définir mes vues par opposition à celles que peuvent entretenir, par exemple, les chrétiens, les islamistes et les juifs.
Dans les capsules précédentes, après une «Introduction à Mes ancrages»,j’ai exprimé mes vues dans les domaines suivants :
Capsule No1 : «Ma place dans l’Univers»
Capsule No 2 : «L’émergence de la vie»;
Capsule No 3 : «Les origines de l’homme»;
Capsule No 4 : «Qui donc a fabriqué l’Univers?»

Aujourd’hui, je vous dirai ce que je crois de l’avenir de l’être humain.

Disons d’abord que l’homme est «une espèce vivante» comme le sont les animaux et les plantes. Il est, selon toutes apparences, l’espèce la plus évoluée vivant sur la Terre. Il n’est pas immortel, ça on le sait. Mais il n’est pas éternel non plus si l’on se réfère au sort des autres espèces vivantes. On nous apprend que, chaque année, des milliers d’espèces disparaissent de la surface de la Terre. Celle-ci serait vieille de quatre milliards d’années et l’homme moderne (l’homo sapiens) n’aurait que 200 000 ans. C’est vraiment un nouveau venu sur la planète. Presqu‘un nouveau-né si on le compare, par exemple, aux dinosaures qui ont régné sur la terre durant 160 millions d’années. Il ne faut donc pas croire que l’espèce humaine est éternelle. D’autant plus que si l’on considère la façon dont l’homme malmène sa planète depuis quelque temps, il se pourrait bien qu’il soit lui-même l’artisan de sa propre disparition. L'astrophysicien Hubert Reeves, pour ne mentionner que lui, est très pessimiste à cet égard.

En supposant que l’homme arrive à conjurer le sort et à trouver le moyen d’harmoniser son rythme de vie à celui de sa planète, il arrivera quand même un jour où celle-ci disparaîtra à son tour car son étoile, le Soleil, qui lui apporte lumière et vie, finira par s’éteindre. Les scientifiques nous disent qu’il est à la mi-temps de sa vie de dix milliards d’années. Ce n’est quand même pas demain la veille et il n’est pas urgent de faire nos valises pour migrer sur une autre planète.

Supposons donc que d’ici le grand déménagement ou, du moins que pour quelques dizaines ou centaines de milliers d’années, l’homme parvienne à survivre. Que lui arrivera-t-il? Je m’aventure ici dans le rôle de conseiller en carrière.

Il est bien difficile aujourd’hui de nier la théorie de l’évolution. Les paléontologues s’accordent à dire que, à travers toutes les phases de l’évolution de l’homme, le cerveau de celui-ci a pris de l’ampleur, que l’homme est devenu de plus en plus intelligent. Je crois que l’homme est sur une pente ascendante, que les capacités de son cerveau continuent de s’amplifier. Arrivera-t-il pour autant à vivre en harmonie avec la nature? Ça, je le présume car, comme je le disais plus haut, il risquerait de ne pas survivre s’il n’atteint pas cette harmonie.

Mais qu’en est-il de ses «qualités de cœur»? Est-il, là aussi, sur une pente ascendante? Est-il meilleur aujourd’hui qu’il ne l’était auparavant? Est-il plus compatissant à la misère de son voisin? Est-il plus prêt à lui porter secours? Est-il moins barbare, moins cruel? Les châtiments modernes sont-ils moins pires que l’écartèlement, la fosse aux lions ou le supplice de la roue?
Évidemment, si on s’en rapporte à l’holocauste des camps de concentration nazis, aux actes de terrorisme qui sont aujourd’hui monnaie courante et à la torture que l’on continue encore à pratiquer dans de nombreux coins de la planète, pour ne citer que ces exemples, on en conclura vite que, côté cœur, l’homme contemporain a le cœur aussi noir que ses ancêtres.
Mais j’aime entretenir l’illusion que, côté bonté, le caractère de l’homme est en progression. Je pense, un peu naïvement sans doute, que les peuples prennent de plus en plus conscience qu’ils ont intérêt à vivre en paix et ce, pour leur plus grand bien. N’est-ce pas de cette façon qu’est née, en 1919, La Société des Nations à laquelle a succédé l’ONU? Ce mouvement de réconciliation humanitaire n’a-t-il pas lui-même présidé à la naissance de tous ces organismes internationaux d’entraide, les ONG, que l’on retrouve partout sur la planète aujourd’hui? N’est-il pas permis de voir là une progression de l’intelligence de l’homme qui le conduit à une plus grande conscience que c’est dans l’harmonie avec les autres que réside son propre bonheur?
Évidemment, on ne peut passer sous silence les multiples dérapages que l’ONU n’a pas su ou voulu prévenir comme la guerre du Kosovo, le génocide du Rwanda ou la guerre d’Iraq. Mais, dans l’ensemble, l’ONU, les ONG, les multiples organismes internationaux comme, par exemple, l’UNESCO, ne sont-ils pas des indices que le cœur de l’homme prend lentement le pas sur l’égoïsme?
En d’autres mots, je suis enclin à croire que les qualités de cœur ont généralement tendance à suivre l’évolution de l’intelligence. Que, avec le temps, l’homme deviendra meilleur parce que plus intelligent.
Heureusement que je ne tiens pas un courrier des lecteurs car je devrais affronter une cohorte de contestataires, prêts à me contredire, preuves à l’appui.

lundi 21 septembre 2009

La création de l'homme vue de Cap-aux-Oies

Permettez d’abord que je vous rappelle ce que je vous disais le 8 juillet dernier en préambule à La création du monde vue de Cap-aux-Oies :

«Vous connaissez comme moi toutes ces théories sur l'évolution n'est-ce pas? Les éléments inertes qui, après quelques millions d'années d'hésitations donnent naissance à des êtres vivants unicellulaires qui s'agglutinent dans les mers pour produire lentement des bêtes plus ou moins hideuses. Puis, celles-ci, avec le temps, se hissent péniblement sur la terre pour se transformer en une multitude d'autres bêtes dont l'une finit par se tenir constamment sur ses pattes de derrière pour devenir un "homo erectus" plus ou moins abruti qu'on a baptisé tour à tour de noms affectueux comme Pithécanthrope, Australopithèque, homme de Neandertal, homme de Cro-Magnon, et je ne sais quoi encore».

Vous vous rappelez aussi sûrement comment, de son côté, mon grand-père de Cap-aux-Oies faisait fi de toutes ces théories sur l’évolution et, un bon matin, m’a expliqué, avec moult détails, comment s’étaient vraiment passées les choses : un Bon Dieu qui se retrousse les manches pour se lancer dans une corvée de tous les diables pour créer les astres et semer la vie sur la terre : plantes aussi bien qu’animaux. Vous vous souvenez, n’est-ce pas, de son langage imagé pour me décrire ces premiers épisodes de la création.

Juste au moment où il s’apprêtait à m’expliquer la création de l’homme, son récit a été interrompu par ma grand-mère qui nous appelait pour le diner. Je vous avais donc promis de poursuivre un autre jour les merveilleuses vues de mon grand-père sur la création de l’homme. Eh bien, voila.

Le lendemain matin donc, mon grand-père m’a dit qu’après avoir créé cet immense univers et tous ses animaux, le Bon Dieu a commencé à s’ennuyer. Il lui est alors venu à l’idée de planter dans le décor un petit bonhomme à sa ressemblance.

«Ce qu'il faut bien savoir, mon petit gars, m’a-t-il dit, c'est que dans toutes les choses des premiers jours de Sa création, le bon Dieu a mis un instinct. Dans les arbres Il a mis l'instinct de pousser, dans les roches Il a mis l'instinct de tomber, dans les oiseaux Il a mis l'instinct de voler, dans les renards Il a mis l'instinct de courir après les lièvres. Pas besoin de réfléchir, pas même besoin de penser du tout, c'est l'instinct qui fait que les choses se font toutes seules. Si tu connais bien l'instinct de la chose ou de la bête, bien tu sais d'avance ce qui va arriver. Et quand c'est Toi le bon Dieu qui a mis l'instinct dans les choses, bien il n'y a plus de surprises. Tu sais toujours tout d'avance.

«Ça fait que Lui Qui s'était lancé dans les grands travaux de la création avec l'idée de Se servir de Ses créatures pour S'amuser un peu, Il a commencé à tourner en rond. On était à l'aube du sixième jour de la création et, il faut bien le dire, ce jour-là Dieu s'ennuyait.

«Il lui est alors venu à l’idée de planter dans le décor un petit bonhomme à sa ressemblance.

«Alors, Il a fait venir Son Garçon Jésus et Lui a demandé s'Il avait des suggestions. Des fois, les jeunes, ça a des bonnes idées. Surtout que Celui-là, Jésus, c'était vraiment un brillant, tu sais. Mais tout ce que Jésus a trouvé à proposer pour désennuyer son Père ce sont des problèmes de mathématiques vraiment faits pour des «superbols». Le Père ça sert à rien, Il était pas doué pour les mathématiques. Tu me diras que pour faire marcher le soleil, la lune et les étoiles, il faut beaucoup de mathématiques, mais le Père, Lui, Il s'était contenté de les créer puis Il s'était aussitôt viré de bord pour confier à Son Garçon le soin de faire tourner tout ça.

«Il en a aussi parlé au Saint-Esprit. Celui-là non plus Il n'était pas manchot, je t'en passe un papier. Mais le Saint-Esprit, comment te dire, c'était un peu comme le beau-­frère de Dieu le Père. Et les beaux-frères, tu sais comment c'est, hein? C'est un peu frondeur, avant-gardiste, aventurier, bref c'est pas toujours bien vu dans la famille. D'ailleurs quand la Vierge Marie est entrée plus tard dans la famille, elle L'a toujours regardé d'un air soupçonneux, Celui-là. Une femme ça a de l'intuition. Elle Le soupçonnait de quelque chose mais sans trop savoir de quoi. Toujours est-­il que le Saint-Esprit a lancé comme ça à Dieu le Père "T'as pas pensé à mettre un peu de piquant dans tes créatures? A leur donner un peu de "lousse", à arrêter de toujours tout décider à leur place? Laisse-leur se casser la gueule un peu. Fais-en des hommes."

"Tu y penses pas" que lui répond Dieu le Père scandalisé par cette idée, "le temps de le dire, ils vont me mettre sur la terre un bordel de tous les diables." (Comme on le voit, le Bon Dieu a de ces expressions qu'on ne s'attendrait pas à retrouver dans Sa bouche. Surtout avec Son éducation).

«Quand même la suggestion du Saint-Esprit a tranquillement fait son petit bonhomme de chemin dans la tête de Dieu le Père Qui trouvait bien séduisante l'idée de laisser Ses créatures prendre elles-mêmes leurs décisions. Puis pour ne pas trop prendre de risques, on pourrait limiter ça à une ou deux créatures. Comment a-t-il(*) dit ça déjà le beau-frère? "Fais-en des zommes ou des zums" quelque chose comme ça, hein? Quel mot bizarre! Si jamais je (**) me décide à créer des petites créatures de même, je les appellerai comme ça, tiens.

«Alors Dieu le Père fait revenir Son Garçon et le Saint-­Esprit: "D'accord, qu'Il Leur dit, je vais vous fignoler une petite créature de mon cru comme vous n'en avez jamais vue. Une petite chose absolument autonome et donc imprévisible. J'ai comme l'impression que ça va être fou à lier et que ça va
nous faire rigoler jusqu'à la fin des temps. Pour un bout de temps, on va laisser ça en bas sur la terre, juste pour voir de quoi ça a l'air. Puis, si c'est vraiment amusant comme je pense, on la fera monter ici en haut, à côté de nous pour continuer à s'amuser. Mais il y a un problème: pas plus de tête que ça, une petite créature de même ça nous écoutera pas, ça va faire plein de bêtises, ça va vite se faire mettre la main au collet par le diable et ça ne sera plus récupérable. On pourra jamais faire venir ça ici sans perdre complètement la face devant les anges et les archanges. Je ne sais pas trop comment régler ce problème-­là."

«Jésus, Qui était un beau grand châtain au front bombé d'idéal, Se met à Se frotter la barbe pensivement puis, tout-à-coup, Il lève Ses beaux grands yeux clairs vers Son Père et Lui lance "Je vais aller te les récupérer, moi, tes petites bêtes!" Le Père en reste bouche bée. Tout ce qu'Il trouve à dire c'est: "Ça sera pas des bêtes, ça sera des zommes." Le Saint-Esprit ferme les yeux dans un geste d'exaspération et reprend "Pas des zommes, des HOMMES, avec un "h" muet." (Le Saint-Esprit, Il en aurait déclassé plusieurs au concours de Bernard Pivot). Mais Dieu le Père L'écoute à peine et reprend:

- Mais comment tu ferais ça, toi, mon garçon?

(*) Le lecteur aura noté que les membres de la Sainte Trinité Se tutoient et que, lorsqu'Ils parlent l'Un de l'Autre, Ils n'emploient pas la lettre majuscule. Comme Ils sont égaux entre Eux, Ils n'ont évidemment pas besoin de ces signes de respect. Ils n'emploient pas la majuscule non plus lorsqu'Ils parlent d'Eux-mêmes car Ils ont toujours dit que ça faisait pédant. De plus, quand l'Un d'entre Eux parle de Lui-même, Il ne dit jamais "Nous" comme l'ont fait beaucoup de rois et le font encore de nos jours certains ministres.
(**) Vous voyez, je vous l'avais bien dit, pas de majuscules lorsqu'Ils parlent d'Eux-mêmes. Quelle leçon de simplicité, n'est-ce pas?


- Bien, je me déguiserais comme l'un d'eux et je descendrais les remettre sur la bonne voie... puis, tiens, tant qu'à faire, pour être bien sûr qu'ils me prendraient pour l'un d'entre eux, je passerais par le ventre d'une de ces créatures-là, comme la plupart des petits de tes autres créatures.

- Ma foi du bondieu, t'en as des idées, toi mon garçon. Puis, comme se parlant à Lui-même, le Père continue:

- C'est vrai que pour ce qui est de fabriquer une créature porteuse de bébés, ça serait pas un gros problème: j'aurais rien qu'à mettre à l'homme une côte de plus.

«Jésus et le Saint-Esprit ne comprennent pas grand chose aux recettes du Vieux et ne savent pas trop ce que la côte vient faire là-dedans mais Ils Lui font confiance, Ils savent qu'Il a plein de tours dans Son sac à magie. Pourtant, on voit que quelque chose Le turlupine.

- Mais qui c'est qui irait mettre la semence dans la créature?

- Je pourrais m'occuper de ça, moi, dit l'Esprit.

- Bon, alors c'est entendu: moi, je fabrique la créature, et je lui donne une compagne. Toi, l'esprit, tu t'occupes de la semence et toi, fiston, tu iras me récupérer la créature le jour venu. On s'entend comme ça?

- D'accord.

"Et c'est comme ça, mon petit gars, que le premier homme est apparu sur la terre", a conclu mon grand-père en tapant sa pipe sur le bord du crachoir posé bien à plat sur la galerie de Cap-aux-Oies.

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Vous ne croyez pas un mot de la version de mon grand-père, dites-vous?... Bon, libre à vous.

...Se pourrait-il que, dans votre cas, vous soyez vraiment, comme moi, un descendant d'Australopithèque ou, au mieux, de l’homme de Cro-Magnon?



mardi 15 septembre 2009

Moi, un vieillard...jamais!

mercredi 9 septembre 2009

Je suis un vieillard. Du moins, c'est ce que disent certaines personnes malveillantes. Moi, je ne le crois pas car, dans mon calendrier, ce n'est pas avant quatre-vingt-dix-neuf ans qu'on est un vieillard. Et encore. Je dirais que ça dépend de l'environnement.Mais, depuis qu'un soir de rhumatisme et d'égarement, j'ai fait cet aveu irréfléchi, j'ai une jeune vieille amie qui ne cesse de me le remettre sur le nez. On dirait bien qu'elle s'en réjouit.Ce n'est pas parce qu'on a une épaule en compote, des pieds qui enflent, une hanche qui tiraille, une peau qui fendille, des pustules qui nous poussent sur le corps, une mémoire qui s'en va à la dérive et un squelette qui craque de partout, qu'on est un vieillard. Ce ne sont là que des broutilles et je peux vous assurer que, dans l’ensemble, je suis en bonne santé. Je crois même que je mourrai en bonne santé même si je sais bien que je ne survivrai pas à ma mort. La mort, paraît-il, c’est fatal. Bon, tant pis. En attendant, je vieillis. Ça aussi c’est fatal car, comme le dit l’adage : il n’y a qu’une façon de ne pas mourir jeune et c’est de vieillir.Pour l’instant, je ne me sens tellement pas vieux que je fais encore régulièrement du ski en me lançant sur des pentes vertigineuses, que je fais du tennis et écrase mes adversaires de smashes foudroyants et que je tire régulièrement ma balle de golf à deux cent soixante verges. Et, le meilleur, c'est qu'après ces exploits sportifs nocturnes, je m'éveille le matin pas fatigué du tout.Il faut dire que ma jeunesse qui se prolonge tient beaucoup à ce que j'ai épousé une jeune femme. Dans la vingtaine, je vous jure. Lorsque je l'ai épousée en 1957. Vous auriez dû voir cette resplendissante mariée, ce matin du 14 septembre. Tiens, si vous passez à la maison, je vous montrerai cette photo d'elle en train de signer le registre des mariages. Une beauté de femme. Un peu inconsciente, je vous le concède, car elle ne savait pas que, cinquante ans plus tard, elle aurait un vieux sur les bras. Mais elle aussi a vieilli, me direz-vous. Détrompez-vous, pas du tout. Toujours la même vivacité de corps et d'esprit, le même grand sourire, les mêmes vives réparties qui m'ont conquis dans le temps.Il faut ajouter que, pour rester jeunes tous deux, nous nous sommes fait une belle amie. Une jeune femme dans la quatrevingtaine. La fleur de l'âge. Folle juste ce qu'il faut. À cet âge là, c'est normal. Tiens, pas plus tard qu'hier, elle disait se mettre en route pour nulle part et que son génie baissait avec le soleil. Nous ne nous en faisons pas avec ça. C'est la crise de l'adolescence avec quelques décennies de retard. Elle disait même qu'elle était la nounoune du diable. Ça, j'ai pas de peine à le croire.Alors, entouré comme je suis, je ne suis pas près d'être un vieillard. J'ai encore une bonne soixantaine d'années devant moi. Mourir dans les cent trente ans, ça m'irait. Faut pas trop en demander à la vie et savoir se retirer en pleine gloire. Même si je sais que ces deux-là me regretteront bien un peu.Je ne serais pas surpris qu'elles viennent me racoler au paradis. Bon, je m'en accommoderai. Pourvu qu'elles ne me fassent pas honte devant l'Éternel.

lundi 10 août 2009

Capsule astronomique No 7

Les trous noirs

Qu’est-ce qu’un «Trou noir»?

Au départ, il est un peu présomptueux de vouloir définir un trou noir puisque un tel astre est noir et donc invisible (comme on le sait, on ne peut normalement connaître les astres que par la lumière ou les ondes qu’ils émettent).

Pour les débusquer, les astronomes rusent donc en observant non pas l’objet lui-même mais son environnement malmené par la formidable force gravitationnelle du trou noir. Ils arrivent donc ainsi à définir les trous noirs comme étant «des cadavres d'étoiles massives dont la matière est si compacte qu'ils ne permettent à rien, même pas à la lumière, de s'en échapper».

Ce qu’on peut donc observer ce sont des étoiles qui disparaissent en se faisant engloutir comme le bout de bois qui tourbillonne un moment autour du remous d’une rivière avant d’y disparaître.

Les trous noirs sont extrêmement voraces et «avalent» tout ce qui passe à proximité. Le gaz des étoiles déchiquetées par un trou noir s'échauffe et rayonne de tous ses feux avant de disparaître à tout jamais dans le gouffre du trou noir. Cette brillance équivaut à celle de cent mille milliards de soleils. La lumière vient des confins de l'univers et, malgré son éloignement, brille autant qu'une étoile, d'où son nom de quasar (quasi-star).

La première variété de trous noirs consiste en des cadavres d’étoiles géantes dix fois plus massives que notre Soleil. Pendant toute la durée de sa vie une telle étoile maintient l’équilibre entre la force répulsive qu’exercent les réactions thermonucléaires en son sein et la formidable force de gravité qui tente de la faire s’effondrer sur elle-même. Lorsqu’une telle étoile a consommé tout son combustible, il se produit une formidable explosion. On dit alors de l’étoile qu’elle est une «supernova» projetant dans l’espace ses couches superficielles. Elle finit par s’effondrer sur elle-même sous l’action de sa propre gravité et devient tellement compacte que même la lumière ne peut plus en sortir : elle est devenue un «trou noir».

Pour finir leur vie en trous noirs, les étoiles doivent avoir la masse d’une dizaine de soleils ou plus. Notre propre galaxie, la Voie lactée, en contiendrait quelques millions. Si jamais vous entreprenez un voyage dans la galaxie, tenez-vous loin de ces monstres : ils vous étireraient comme des spaghettis et vous ne pourriez même pas appeler votre mère au secours car aucun son ne sortirait de votre bouche.

On dit aussi que le centre de notre galaxie, où sont concentrés en un immense bulbe des millions (voir même des milliards) de soleils, contiendrait un formidable trou noir très discret et repu de la multitude d’étoiles qu’il aurait avalées. Notre Soleil n’est pas menacé par ce monstre car il évolue dans la banlieue de la Voie lactée, à quelque vingt-sept mille années-lumière du bulbe.

N.B. Ne pas confondre «Trous noirs» et «Matière noire». Il s’agit, dans ce dernier cas, d’une matière tout aussi invisible que les trous noirs et dont on devine la présence par son effet sur son environnement comme c’est le cas pour les trous noirs. J’en parlerai dans une prochaine capsule.

Trou noir – vue d’artiste





mercredi 8 juillet 2009

La création du monde vue de Cap-aux-Oies

Vous connaissez comme moi toutes ces théories sur l'évolution n'est-ce pas? Les éléments inertes qui, après quelques millions d'années d'hésitations donnent naissance à des êtres vivants unicellulaires qui s'agglutinent dans les mers pour produire lentement des bêtes plus ou moins hideuses. Puis, celles-ci, avec le temps, se hissent péniblement sur la terre pour se transformer en une multitude d'autres bêtes dont l'une finit par se tenir constamment sur ses pattes de derrière pour devenir un "homo erectus" plus ou moins abruti qu'on a baptisé tour à tour de noms affectueux comme Pithécanthrope, Australopithèque, homme de Cro-Magnon, homme de Neandertal et je ne sais quoi encore. Mais tout ça, ne l'oublions pas, n'est qu'une théorie. Et une théorie bien embarrassante car elle nous oblige à croire que tous ses aboutissements, plantes, bêtes ou hommes, sont le fruit du hasard.

Par un beau jour de juillet, il y a bien longtemps, j’ai expliqué à mon grand-père ces théories sur l’évolution que je vous ai racontées il y a quelque temps dans le chapitre de mon blogue que j’appelle «Mes ancrages». Il m’a écouté sans mot dire.

Avant d’aller plus loin, laissez-moi vous dire que mon grand-père, vivait à Cap-aux-Oies, dans le comté de Charlevoix. Il fumait la pipe, portait des bretelles et se berçait sans un mot durant de longs après-midi sur la galerie d’en avant, face à la mer. Et un grand-père qui fume la pipe, porte des bretelles et se berce en silence ça réfléchit beaucoup, tout le monde sait ça. Un tel grand-père ça constitue ce que les adeptes de l'ésotérisme appellent un "milieu mental" très propice aux profondes réflexions, un «think tank» à lui tout seul si vous voulez.

Quand j’ai terminé mon histoire, mon grand-père a secoué sa pipe sur le bord du crachoir et s’est levé en disant «Bon, c’est l’heure du souper».

Durant la soirée, ma grand-mère s’est jointe à nous et nous sommes retournés nous asseoir sur la galerie. Tout en regardant le ciel se violacer et la mer se calmer doucement, nous avons parlé de la famille, des pêcheries, des moissons, puis nous avons rabâché tout un tas de souvenirs. Nous avons ri et parfois nous nous sommes attendris alors que ma grand-mère détournait les yeux pour cacher ses émotions. Vers les dix heures, ma grand-mère a dit «Viens-tu te coucher, Anselme ?» Je suis resté seul un long moment à regarder les étoiles piquer une à une la nuit noire et à me laisser envahir par un sentiment de paix que je n’avais pas connu depuis longtemps.

Le lendemain matin, mon grand-père et moi avons besogné autour de la maison : nourri les poules, ramassé les œufs, sarclé le jardin, cueilli un panier de fraises, coupé quelques feuilles de laitue, enlevé des gourmands sur les plants de tomates puis marché un peu sur le bord la mer en saluant les voisins. Après coup, nous sommes retournés nous asseoir sur la galerie d’en avant. Mon grand-père m’a dit d’aller prendre une bière au frigo pendant qu’il bourrait sa pipe.

Après quelques moments de silence, mon grand-père s’est lancé :

«Tu sais tes théories sur l’évolution, eh bien je ne pense pas que la création du monde s’est passée comme ça.

Après une pause, il a continué :

«Conte de fées pour conte de fées, je préfère encore les explications de notre bonne vieille "Histoire sainte" qui nous montre un Bon Dieu qui se retrousse les manches pour se lancer pendant six jours dans une corvée de tous les diables. À grands coups de pelle, de truelle et de pinceaux, il creuse des mers, construit des montagnes, dessine des arcs-en-ciel, façonne des étoiles et sculpte des arbres... Quand il s'y met, lui, plus moyen de l'arrêter.


Il faut vous dire que mon grand-père tenait lui-même ses connaissances en la matière de son propre grand-père qui, en son temps, avait lui-même été un grand-père à chaise berçante sur la galerie d'en avant à Cap-aux-Oies, dans le beau comté de Charlevoix. Et le père de mon grand-père...bon, vous me suivez, n'est-ce pas, on remonte comme ça très très loin dans le temps. Ils étaient grands-pères de père en fils dans la famille. Et cette transmission des connaissances de génération en génération ça s'appelle la tradition et, si vous prenez la peine d'adresser un petit message électronique au Vatican, on vous confirmera que la tradition constitue, après la Bible, la principale source d'information de l'Église.

«Mais, a continué mon grand-père, il lui fallait maintenant mettre de la vie là-dedans. Alors, il a semé du foin, du trèfle, des carottes, des fleurs et toutes sortes de plantes, même que, avec un brin de malice, il a semé de l’herbe à puces. Puis, il a planté des arbres : des érables, des ormes, des chênes et des arbres à fruits, même des pommiers, mais les pommiers il l’a regretté plus tard quand il a vu Ève tendre une pomme à Adam.

«Puis, il lui est alors venu à l’idée de planter dans le décor un petit bonhomme à sa ressemblance.

«Alors le bon Dieu a commencé par se faire la main en créant des animaux. Il est très habile de ses mains quand il veut le bon Dieu. Il travaille la boue comme les enfants le font avec la «plasticine» mais lui c'est un expert, un vrai magicien. Il ramasse une poignée de terre, crache dedans, la pelote bien comme il faut pour lui donner de la consistance, la dépose sur sa table de travail, la tapote un peu pour l'étendre puis là, rien qu'avec ses doigts magiques qui courent si rapidement qu'on a peine à les voir aller, il donne forme au petit tas de boue. Il se recule pour mieux regarder son oeuvre, fait une petite retouche ici et là, passe quelques coups de pinceau et là, c'est le grand moment: il se penche et souffle dessus, pas fort, juste comme ta grand-mère lorsqu'elle souffle la chandelle avant d'aller se coucher. Aussitôt la petite chose se met à frétiller. Il la prend par la queue, et plouc! Il la lâche dans l'eau: c'est une petite barbotte comme il y en a dans le ruisseau derrière la grange. Après ça, c'est un lièvre qui se dresse sur ses pattes de derrière, pointe les oreilles et s'agite le museau. Il lui fabrique une belle carotte orange en un tournemain puis clac! une petite tape sur les fesses et notre lièvre part en courant à travers champs. Pas longtemps après, c'est un beau renard roux qui prend vie, mais il a pris soin de créer quelques autres petites choses entre le lièvre et le renard pour donner au lièvre le temps de prendre une bonne avance. Puis là, quand il se sent une âme d'artiste, le bon Dieu se fabrique quelques papillons ou bien des hirondelles ou bien des chevreuils. Mais tout bon Dieu qu'il soit, il a parfois des épisodes de paranoïa: alors il fabrique des éléphants ou même des baleines bleues. Quand il est vraiment déprimé, il fabrique des crapauds, des araignées et des serpents.

«La Bible dit qu'il a fait tout ça en moins d’une semaine. Écoute bien, mon petit gars, le bon Dieu il est vite sur les patins mais faut quand même pas exagérer. Dans ce temps-là, les jours n’étaient pas courts comme ceux d'aujourd'hui. Le soleil avait à peine commencé à tourner autour de la terre. Il n’avait pas encore pris son élan. Ça fait que les journées pouvaient durer un an ou deux en jours d'aujourd'hui.

«Alors, il ne lui restait plus qu’à créer l’homme. Ça, c’était plus délicat. Comment faire ? Il a commencé…

Juste à ce moment-là, le récit a été interrompu par la voix de ma grand-mère: «Approchez les hommes, le diner est servi !»

Je vous conterai donc un autre jour la suite de la création du monde vue de Cap-aux-Oies.

dimanche 28 juin 2009

Mon écrivaine favorite

Armelle Barguillet est une écrivaine de grand talent et à l’écriture fluide que j’ai eu le bonheur de connaître alors que je travaillais sur mon manuscrit «Les nouveaux Gulliver». Elle a fait de ce manuscrit un éloge qui m’a coupé le souffle.
Son blogue, «La plume et l’image» (http://abarguillet.mon.allocine.fr/), est suivi par près d’un million de lecteurs et fourmille de chroniques portant sur le cinéma, la littérature, l’actualité et les réflexions qu’elle lui inspire. Elle écrit aussi des contes pour la jeunesse, des chansons, des récits de voyages et j’en passe et j’en passe. Elle est une passionnée de Marcel Proust. Elle donne des conférences sur ce grand auteur et a publié et gagné des prix sur le sujet. Elle est aussi poète et a notamment publié un magnifique de recueil de poésie intitulé «Profil de la nuit». Ses textes sont enrichis de nombreuses illustrations. Je vous laisse le plaisir de la découvrir. Vous en aurez pour des heures.
Au hasard de mes lectures du blogue d’Armelle Barguillet, j’ai glané ce texte sur le bonheur que je partage avec vous :
«D'essence rare, subtile, il n'est pas un état naturel. Personne ne peut nous rendre heureux si nous-même ne le souhaitons pas. Le bonheur est donc une affaire entre soi et soi. Il y a des gens doués pour le bonheur, d'autres qui ne le seront jamais. Mon bonheur, je puis l'acquérir avec presque rien et le détruire avec presque tout. Contrairement au plaisir, à la félicité, à l'extase, on l'associe à une idée de continuité. On peut envisager que les gens, qui ne sont pas malheureux, sont heureux. Mais il n'en est rien. Un peuple en paix devrait être un peuple heureux, l'est-il, le serait-il sans le savoir ? N'est-ce pas l'irruption du malheur qui nous donne à penser que dans l'état précédent nous étions heureux? Je ne savais pas que j'étais heureuse pourrait dire une personne qui vient d'être frappée par le malheur. Car le malheur a ceci de particulier : il frappe. Je crois qu'il n'y a pas de recette au bonheur. Chacun le secrète comme un miel de façon personnelle. Il n'est pas obligatoirement lié à un événement : retrouvailles, naissance, mariage, diplôme, récompense. Non, il nous touche au plus profond de nous-même sans que nous comprenions ni pourquoi, ni comment. On connait le plus souvent le bonheur, alors que rien nous y préparait : à la vue d'un beau paysage, à l'écoute d'une belle musique, à la rencontre d'une personne, dans la solitude de la nature. Parce qu'il correspond à un bien-être intérieur, à un accord profond avec ce qui nous entoure. Supérieur à la satisfaction, qui suppose une part d'égotisme et d'auto-suffisance, il est tout ensemble fragile, surprenant, désinvolte, touchant, nécessaire, humble et confidentiel.»

jeudi 18 juin 2009

Lettre à mon cousin

Mon cher Jacques,


C'est avec toi, t’en souviens-tu, que, deux fois par semaine, nous allions chercher le lait en haut de la montagne.


Je n'étais pas bien vieux, dix ans, pas plus. Toi, mon cher cousin, tu avais quinze ou seize ans, je crois bien.


Tu passais souvent tes étés avec nous à la campagne, dans ce chalet isolé que nous avions à Saint-Félix-de-Valois, sur le bord de la rivière L'Assomption. Un petit coin de rêve où nous n'avions pas l'électricité et où, le soir, ma mère allumait les lampes à l'huile et mettait le feu aux deux manteaux de la lampe Coleman.


Pour garder les aliments au frais, nous les mettions dans une grande boîte de fer-blanc solidement ancrée dans l'eau glacée du ruisseau qui passait derrière le chalet. C'est pour avoir toujours du lait frais que nous allions en chercher tous les deux ou trois jours. Le village était loin, en haut d'une grande côte en S, et, sur semaine, nous n'avions pas de voiture pour nous y rendre. Même que, une fois par semaine, le boucher descendait dans son petit camion réfrigéré par de gros blocs de glace et où ma mère choisissait quelques pièces de viande.


Le lait, il fallait aller le chercher en haut de la montagne. Toujours le soir, après le souper. Une fois mon frère Raymond, avec mon cousin Julien et, la fois suivante, toi qui étais le plus vieux des quatre garçons, avec moi qui étais le plus jeune.


Pour monter, nous faisions un détour pour aller prendre un sentier en pente douce. Là-haut, le fermier Buddy nous donnait du lait encore chaud qui, en coulant, faisait des bulles à la surface de nos bidons. Buddy était un gros rougeaud, sympathique et méticuleux, qui prenait toujours soin d'enlever, délicatement et du bout de ses gros doigts, la mouche en train de se noyer dans son sceau, avant de verser le lait dans nos bidons.

Pour redescendre, nous empruntions un sentier plus abrupt mais qui nous menait plus directement à la maison. Parfois, nous arrêtions en route pour regarder baisser le soleil sur les montagnes d'en face. C'était un beau moment.


Je me souviens combien tu raffolais de l'opéra et ne te lassais pas de faire tourner des disques de Caruso sur notre gramophone à manivelle. Ensuite tu chantais. Tu avais une voix de ténor léger, une voix agréable, un peu voilée. Je ne suis pas un amateur d'opéra mais si je connais aujourd'hui les paroles de nombreux airs, c'est de cette façon que je les ai apprises, un peu de travers parfois il faut bien dire.


Un soir, plus tard, beaucoup plus tard, je suis allé te rendre visite à l'hôpital. Tu avais été opéré pour une tumeur cancéreuse et tu semblais sur la voie de la guérison. Tu étais manifestement heureux de t'en être tiré et, dans l'enthousiasme, nous nous étions promis d'aller souper avec nos femmes dans un restaurant dont tu m'avais vanté les mérites.


Nous ne sommes jamais allés souper dans ce fameux restaurant car tu es mort quelques jours plus tard.


J'aimerais bien qu'une de ces fois tu viennes me dire si, là-haut, on entend chanter Caruso et si on peut voir les couchers de soleil sur les montagnes de Saint-Félix.


À un de ces quatre,

Ton cousin Jean

mardi 26 mai 2009

Les corps célestes

Chers amis,


Dans ma capsule astronomique du 18 mai, je vous disais les difficultés d’entrer en communication avec d’autres êtres intelligents de l’Univers. Ce n’est pas tout à fait exact. Nous sommes tous en communication avec un corps céleste bien connu : notre ange gardien. Veux, veux pas, nous en avons tous un.


Ma mère me l’a dit, le frère Omer des écoles chrétiennes me l’a dit, mon confesseur le père Eusèbe me l’a dit, en somme toute la chrétienté le dit. Et quand une croyance comme celle-là est répandue à travers toute la chrétienté, on appelle ça La Tradition. Et, si vous prenez la peine de téléphoner à Benoît XVI, il vous confirmera que La Tradition est une source de foi aussi fiable que la Bible. Point à la ligne. Et n’allez pas commencer à m’objecter Jonas dans la baleine ou la traversée de la Mer Rouge : il n’y avait pas de BD dans le temps et les rédacteurs de la Bible avaient bien le droit de faire rigoler leurs lecteurs de temps en temps. D’ailleurs, l’Église catholique a conservé cette pratique de l’humour comme lorsque le Pape Pie IX dans sa bulle Ineffabilis Deus du 8 décembre 1854 a décrété que L'immaculée conception de Marie était un dogme de l'Église catholique.


Alors, revenons à nos anges gardiens.


Je ne sais pas pour vous, mais moi je le porte sur l’épaule gauche. Tout simplement parce que je suis droitier et que ça me laisse plus de liberté dans les mouvements de mon bras droit. Les anges gardiens savent ça d’instinct. C’est pas comme mon tailleur qui, la dernière fois que je me suis fait confectionner un pantalon m’a demandé, lorsqu’il s’est agi de l’ajustement de la fourche, si je «portais» à droite ou à gauche.


Donc, c’est sur mon épaule gauche que mon ange gardien se juche généralement. Parfois, toutefois, quand je joue au golf, il se niche sur mon épaule droite tout simplement pour accentuer le balancement de mon corps vers la droite lorsque je termine mon swing. Un instinct terrible, je vous dis.


Le mien est un modèle extensible. Peut s’étirer ou se raccourcir. (N’allez pas pour autant penser que je tiens là une poupée gonflable). Si, par exemple, il manque d’exercice, il se lève, se grandit, passe une jambe sur l’autre épaule et ainsi campé sur mes deux épaules, s’étire, baille un peu et se livre à quelques exercices. Même à ces moments, il conserve sa longue tunique blanche mais ne porte aucun sous-vêtement car il semble que, de là où il vient, on considère qu’il s’agit là de petites choses inutilement affriolantes. Il «s’éjarre»* forcément pour prendre une telle position mais jamais, je vous le jure, jamais je ne lève alors les yeux : je ne veux pour rien au monde intervenir dans les débats des théologiens sur le sexe des anges.


N’empêche que je crois les anges de sexe féminin. Je ne verse pas pour autant dans des considérations d’ordre théologique. Non, je me base simplement sur des questions de vêtements et de comportements typiquement féminins. Vous remarquerez que, dans toutes les illustrations que l’on fait des anges, ils portent toujours une tunique ou du moins une robe, parfois même un peu «écourtichée»*, mais jamais de pantalon. Feuilletez un peu votre «Histoire sainte illustrée» cachée dans un coin de votre bibliothèque et vous verrez bien. Au surplus, ils jouent généralement du luth, ont les cheveux bouclés, se tiennent les pieds élégamment croisés et ont souvent le menton gracieusement reposé sur la main. Ce sont là tout autant d’indices sur le sexe des anges, ne croyez-vous pas? Non, décidément, je les vois mal en joueurs de football ou en lutteurs sumo. Vous m’objecterez peut-être que toute la cohorte des êtres qui volètent dans le paradis porte des noms masculins : anges, archanges, chérubins, séraphins, etc. Mais ce n’est là qu’un indice du sexisme qui règne encore là-haut. Il y a tout de même les vierges qui conservent leur féminité. Mais à quel prix je vous dis : on leur associe généralement le titre de martyres.


Mon ange personnel, pour en revenir à lui (j’aimerais mieux dire à elle mais le Larousse s’y objecte résolument), je vous dirai que, même s’il est extensible, il adopte généralement le petit format : assis sur mon épaule gauche, pieds croisés, bras droit autour de mon cou pour assurer l’équilibre et la bouche à hauteur de mon oreille gauche pour me parler. Dieu ce qu’il peut parler! (Est-ce là un autre indice de sa féminité? Bon, je n’insiste pas). Toujours à me donner des conseils, généralement d’ordre moral. Si j’ai le malheur de lorgner un peu trop les jolies filles de la rue Cartier, il me lance des tut, tut, tut, menace de tout raconter à ma femme et va même jusqu’à me brouiller la vue. Dans de tels cas, j’exerce des représailles. Je fais quelques pas de course et m’arrête brusquement devant la devanture d’un commerce : forcément, il pique une tête dans la vitrine et se ramasse brutalement par terre. Il n’est pas content du tout, du tout, je vous assure et mijote alors des idées de vengeance mais, heureusement pour moi, il n’est pas rancunier.


Vous vous demandez sans doute s’il a des ailes. Mais oui il en a. Comme tous les anges d’ailleurs. Mais elles sont rétractables. Heureusement, car lorsque je descends une pente à skis, nous nous envolerions. Il adore le ski et ne cesse de crier tout le long de la descente. Ce qui m’agace beaucoup c’est que, lorsque la pente est vraiment raide, il se met les mains devant mes yeux pour bien s’accrocher. Vous dire le nombre d’arbres sur lesquels je me suis alors buté…


Malgré ces petits accrocs occasionnels, nous nous accommodons très bien, mon ange et moi. J’arrête là mes commentaires car il a une nature discrète et n’aime pas beaucoup que je parle de lui.


Et vous, comment vous arrangez-vous avec votre ange?


Votre vieil ami Jean


*québécisme

lundi 18 mai 2009

Capsule astronomique No 6

À la recherche des petits bonhommes verts

Le soleil, on le sait, est entouré de huit planètes, incluant la Terre et un bon nombre de satellites (comme notre lune) circulent autour de ces planètes. Il y a peut-être des micro-organismes sur certaines de ces planètes ou leurs satellites, mais aucune trace de vie évoluée comme on en connaît sur la Terre.

Depuis quelque temps, astronomes et astrophysiciens se sont mis à la recherche de planètes autour d’autres étoiles de notre galaxie … et en ont trouvées. On a baptisé ces planètes du nom d’exoplanètes ou planètes extrasolaires (le «ex» signifiant qu’il s’agit de planètes hors du système solaire). Récemment encore, on disait avoir repéré quelques trois cents exoplanètes. Mais comment, direz-vous, peut-on repérer des planètes circulant autour des lointaines étoiles de notre galaxie alors qu’on sait très bien que ces planètes sont sûrement voilées par l’éclatante lumière de leurs étoiles?

Et bien, on ne repère ces planètes que par l’influence qu’elles exercent sur leurs étoiles. Par la loi de la gravitation, une exoplanète agit sur le mouvement de son étoile en la faisant osciller ou en accélérant ou retardant son mouvement. C’est donc en observant le mouvement d’une étoile qu’on en déduit qu’elle est entourée d’une ou de quelques exoplanètes. Mais, pour ce faire, il faut être patient car, pour mesurer l’effet de la planète sur l’étoile, il faut attendre que la planète ait fait le tour complet de son étoile, ce qui peut prendre quelques années ou même quelques centaines d’années.

Donc, jusqu’à tout récemment, tout en devinant ainsi la présence de certaines exoplanètes, on n’en avait jamais vraiment vues. Mais, soudain, coup de théâtre, trois astrophysiciens de l’université Laval, en traitant les images provenant d’une étoile située à 130 années-lumière de la Terre, ont vu, de leurs yeux vu, trois planètes circulant autour de cette étoile. La technique qu’ils ont mise au point leur a permis de tamiser suffisamment la lumière provenant de l’étoile pour leur permettre de voir les trois planètes. C’est vraiment un exploit et la nouvelle a vite fait le tour de la terre.

Il faut dire que, depuis quelque temps, on s’emploie à repérer de nouvelles planètes et on lance dans l’espace des satellites dédiés à cette recherche. Il y aura même, en 2013, le successeur du fameux télescope spatial Hubble, le «James Webb» qui scrutera l’univers avec plus de précision que jamais.

Derrière cette recherche, il y a toujours l’espoir d’en arriver un jour à repérer de la vie quelque part dans l’univers et même à entrer en contact avec des êtres intelligents. Mais la distance crée un problème qui paraît insurmontable dans l’état actuel de nos connaissances. Supposons que sur l’une des trois planètes repérées par nos trois astrophysiciens, il y ait des êtres intelligents, eh bien le signal qu’on lui enverrait prendrait 130 ans à se rendre (à la vitesse de la lumière) et la réponse prendrait autant de temps à nous revenir. Comme moyen de communication rapide, on a déjà vu mieux. Et tout ceci en supposant qu’on ait trouvé un langage commun. Ce n’est pas demain la veille.

Dans son récent livre «Je n’aurai pas le temps», Hubert Reeves, dit qu’on n’a aucune preuve de la présence d’êtres intelligents dans l’univers, ailleurs que sur la Terre, mais que, personnellement, il croit qu’il y a ou qu’il y a eu dans l’univers des milliers, voir des millions ou même des milliards d’astres qui ont abrité ou abritent encore des civilisations intelligentes. Ce n’est pas étonnant si l’on considère les milliards de milliards d’étoiles et de planètes qui peuplent notre univers. Hubert Reeves pousse même l’audace jusqu’à dire que nos messages pourraient dépasser la vitesse de la lumière en empruntant le couloir des trous noirs???* Il ne faudrait pas s’en étonner car, en astronomie, la réalité dépasse souvent la fiction.

Référence : Revue «Québec Science Février 2009»

*Dans une prochaine capsule, j’aborderai ces mystérieux et voraces mangeurs d’étoiles que sont les trous noirs.

lundi 11 mai 2009

Parlez-moi de moi

Il y a cette jolie chanson de Patrick Fiori «Parlez-moi de vous» que vous connaissez sans doute mais aujourd’hui c’est plutôt un «Parlez-moi de moi» que je vous propose. Mais comme je doute que vous me connaissiez suffisamment pour le faire convenablement, je vais m’en charger moi-même.

J’ai là, sous la main, l’occasion toute rêvée pour le faire : je viens tout juste de remporter le troisième prix d’un concours de nouvelles lancé par la FADOQ. Bon, je vous vois venir : vous me direz que ce n’est qu’un troisième prix et que la FADOQ n’est qu’une organisation de «petits vieux». Je vous demanderai d’abord de surveille votre langage. «Petits vieux» n’est pas très respectueux, d’autant plus que le concours s’adressait à des gens de cinquante ans et plus, la catégorie d’âge de la plupart d’entre vous qui lisez ce texte, si je ne me trompe. Quant à votre façon de lever le nez sur un troisième prix, laissez-moi vous dire qu’il n’y a pas si longtemps j’ai gagné le premier prix du concours «La plume d’argent», commandité par la Fondation Berthiaume du Tremblay. Un autre concours de petits vieux, radoterez-vous. Mais là, je crois avoir déjà répondu à cette remarque déplacée et à la limite du mépris.

J’ajouterai même que je n’ai pas gagné que des concours de l’âge d’or. J’ai gagné mon premier concours à l’âge de douze ans! Là, j’espère que ça vous en bouche un coin. Oui, Monsieur, à l’âge de douze ans. Un concours commandité par le «Pain Suprême». J’avais sûrement un talent fou à cette époque car on m’a annoncé que j’étais le grand gagnant avant même que j’aie écrit une seule ligne du texte vainqueur. Les jeunes génies de la musique, du chant ou de l’écriture s’exhibaient alors sur la scène du Gésu à Montréal dans le cadre d’une populaire émission radiophonique intitulée «La jeunesse au micro». J’ai donc donné lecture de ma «composition française» d’une voix tremblotante à la radio devant une salle pleine à craquer. Une salve d’applaudissements a accueilli ma performance et on m’a remis une magnifique montre en or «Bulova» d’une valeur de 50$.
Une seule ombre au tableau : la magnifique composition avait été écrite par un oncle bienveillant. Bon, vous n’allez quand même pas chipoter sur les détails, j’espère.

À l’époque, 50$ ce n’était pas rien et, comme nous tirions un peu le diable par la queue, ma mère qui se souciait bien plus de nourrir ses poussins que de savoir l’heure a mis la montre en vente. C’est une dame bienfaitrice qui l’a achetée. Et vous savez quoi? Eh bien, elle me l’a rapportée! Vraiment touchant, hein?
Ne sortez quand même pas trop vite vos mouchoirs car ma mère s’est aussitôt virée de bord et l’a revendue! Et nous avons eu du beurre sur notre pain pour un autre bon moment. N’empêche que, depuis ce temps là, je ne porte plus de montre, comme vous l’avez peut-être remarqué. J’ai trop peur que le fantôme de ma mère vienne me la piquer durant la nuit.

Ce long aparté, était pour vous faire voir que je n’ai pas gagné que les concours de «petits vieux», comme vous dites.

En fait, en toute fausse humilité, je dois vous dire, comme vous l’avez sans doute remarqué, que je suis un habitué des prix littéraires. Si vous faites la moyenne, j’en gagne un tous les 23 ans et j’ai bien l’intention de garder le rythme. Je suis comme ça, moi : quand je pars sur une lancée, plus rien ne m’arrête.

Voilà, je pense que, pour aujourd’hui, j’ai assez parlé de moi. Et si, maintenant, vous me parliez de vous?

lundi 4 mai 2009

C'était hier

Je te l'avais bien dit, hier, que demain il ferait beau. Bien, aujourd'hui, c'est le demain d'hier et, comme tu vois, il fait vraiment beau. Ce qui n'a pas empêché hier de faire beau. Ce qui n'empêchera pas non plus demain ou, si tu veux, le surlendemain d'hier, de faire beau aussi. Alors, cesse de te demander si demain il fera beau car la beauté du monde c’est en soi qu’on la porte.

Cesse aussi de t’interroger sur le temps qu’il te reste car, tu le sais bien, nous sommes éphémères comme tous les êtres et toutes les choses de l’univers. C’est déjà un immense privilège que de faire partie de cet univers.

Cesse enfin de t’interroger sur la nature du temps car le temps n’existe pas en soi. Il n’existe que par ce qui permet de le mesurer, comme la course du soleil ou le passage du jour à la nuit. Avant le Big Bang, le temps n’existait pas.

Pour en revenir à hier, qui était l'avant-veille de demain, je te dirai que je suis sorti de l’hiver l’âme légère et que je suis retombé sur mes pieds, bien droit dans mes souliers comme tu dis parfois.

Pour ne rien perdre de ce doux flottement de mon âme (se pourrait-il que j'en aie une?), je suis allé à l'île d'Orléans. En sortant du pont, tu piques à droite, vers Ste-Pétronille. Un peu avant d'arriver au bout de l'île, tu vires à gauche sur le chemin de l'église. Puis, presque aussitôt, tu repiques à droite pour déboucher sur l'église. Là, tu stationnes devant le cimetière tout à côté. Un cimetière si beau que, si tu prêtes un peu l'oreille, tu entends les morts sourire à travers le chant des oiseaux. Quand tu descends, tu respires soudain la vie cachée depuis longtemps au fond de toi. Elle était pourtant là, tout près, et tu ne la savais pas. Il a suffi d'une église baignée de lumière, d'un joyeux cimetière, de quelques trilles d'oiseaux, de pans de ciel bleu filtrant au travers de grands arbres épanouis et de la discrète caresse d'un vent léger pour faire éclore le printemps en ton coeur.

C'est là, je te le dis, l'entrée du paradis. D'autant plus que si tu marches lentement sur la route encadrée de grands arbres protecteurs et semée de jolies maisons où l'on rêve de vivre, tu verras bien que c'est le chemin qui y mène. En fait, c'est une éclaircie sur la route du paradis que l'on porte en soi et qui, parfois, se dévoile, le temps d'un regard.

Je t'y emmènerai un jour.


lundi 20 avril 2009

L'aéroplane

Prends-moi la main et jure-moi de me suivre jusqu’au bout du monde.

Alors, un de ces quatre matins, tu me verras arriver sur les Plaines d’Abraham dans mon biplan. Tu sais, un de ces vieux aéronefs à deux places avec deux grandes ailes en toile, l'une sous la carlingue et l'autre au-dessus. Un oiseau magnifique.

Tu te seras habillée à la mode des aviatrices des années 20: un pantalon bouffant (des «breeches») beige, avec un court blouson de cuir brun et de longues bottes lacées, collées sur les jambes. Tu auras un couvre-chef d'aviateur, en cuir également mais plus foncé, moulant la tête et solidement retenu par une longue ganse passant sous le cou. Tu porteras aussi de bons gants, de même couleur que ton couvre-chef. Je serai habillé de la même façon, mais toi tu auras un grand foulard de soie enroulé autour de ton cou et qui pendra dans ton dos. Rose, je crois, ce foulard.

Avant de monter à bord, tu te posteras à l'avant de l'appareil, tu empoigneras des deux mains une pale de l'hélice et, d'un vigoureux mouvement, tu amorceras l'engin. Je t'aurai prévenue de faire bien attention pour ne pas te casser un bras et pour ne pas, non plus, laisser l'hélice happer ton foulard lorsque, dans un bruit de tonnerre, elle se mettra à tourner follement.

Puis, contournant les ailes, tu t'approcheras de la cabine et, levant la jambe bien haut pour t'appuyer le pied sur l'aile du bas et t'agrippant des deux mains à la carlingue, tu grimperas alors à l'avant. Moi je me serai déjà installé à l'arrière pour la manœuvre d'amorçage. C'est la place du pilote sur ces vieux modèles. Je te crierai de bien t'attacher. On doit crier car le moteur est très bruyant et, au surplus, la cabine n'est pas fermée. Le corps est à l'air libre. C'est pour cela qu'on doit porter de grosses lunettes d'aviateur attachées derrière la tête par une bretelle et s'habiller chaudement.

Lorsque tu seras bien installée dans ton siège, je tournerai notre vieux zinc pour le mettre face au vent.

Avant de décoller, je t'aurai invitée à te recueillir avec moi un moment pour nous plonger dans un état d'esprit de réconciliation avec nous-mêmes et avec tout l'univers. Car je pense, à l'instar de beaucoup de grands maîtres à penser de l'Orient, que la communion d'esprit avec l'univers est la clef qui permet d'en pénétrer les secrets et même d'en contrôler les forces.

Car, et cela je ne te l'avais pas dit, pour voler dans mon aéroplane, il faut être un brin thaumaturge. Attends un peu et tu verras ce que je veux dire.

Nous en sommes donc rendus au point où j'aurai tourné mon appareil nez dans le vent. Comme ce vent sera un vent d'est, j'aurai roulé jusqu'à l'extrémité ouest du champ de bataille qui borde le musée. Il faut toujours, comme tu le sais sans doute, décoller le «nez dans le vent». Je mettrai alors le pied sur le frein, enclencherai l'embrayage et pousserai à fond la manette des gaz. Le moteur rugira et l'appareil vibrera. À partir de là, n'essaie même plus de me parler. On ne s'entendra pas.

Nous serons donc là, pleins gaz, le nez agressif, bien droits sur nos roues, comme le fauve prêt à bondir sur sa proie mais tenu fermement en laisse par son maître. Je lâcherai les freins. Notre engin s'élancera à l'instant même où la police des Plaines arrivera en courant, gesticulant pour nous interdire de décoller.

Notre tarmac de fortune est plutôt cahoteux et ça bringuebalera ferme dans le cockpit. Heureusement que j'aurai pris la précaution d'installer un petit coussin sur ton siège car je t'aurais démoli l'arrière-train.

C’est à ce moment que la situation se corsera. Nous serons face au musée, à l'autre bout du champ. À vue de nez, je dirais que notre piste d'envol n'a pas beaucoup plus de 150 mètres. Il faudra donc s'élever rapidement si on ne veut pas aller étêter les grands arbres qui bordent le champ et s'écraser piteusement sur le toit du musée. Or, notre vieux coucou n'est ni un hélicoptère ni un de ces avions à décollage vertical que l'on connaît de nos jours. Il a beaucoup de courage mais c'est toujours à grand-peine qu'il s'arrache au sol. Alors, décoller sur une piste de 150 mètres, disons le tout net, c'est tout à fait impossible! À moins, et là je pèse bien mes mots, à moins, dis-je, d'un miracle!

C'est là qu'interviendra l'esprit de communion avec l'ensemble de l'univers dont je te parlais tantôt. Nous nous serons recueillis pour bien sentir notre aéronef, faire corps avec lui et, plus que cela: devenir l'aéronef. Là, il faudra nous imaginer, décollant du sol et entraînant notre aéronef. Avec un tel état d'esprit, rien n'est impossible: après avoir parcouru 30 mètres tout au plus, le nez de notre appareil se dressera à presque 45o et nous nous élèverons, sous le regard ébahi des patineurs évoluant sous nos yeux, pour aller survoler le musée, virer avec élégance sur l'aile droite et nous diriger vers le fleuve.

Nous décrirons alors un grand S pour venir nous poster au-dessus du fleuve en direction est et garder le nez au vent, tout en prenant de l'altitude. Nous suivrons alors le cours du fleuve, survolerons l'île d'Orléans, l’île aux Coudres et l’île Verte et garderons le cap jusqu’aux Escoumins.

Pour te familiariser avec l'appareil et dissiper tes craintes, je le ferai basculer sur l'aile gauche, puis sur l'aile droite. Tu nous verras ainsi décrire de longues courbes au-dessus du fleuve, des virages, très doux au début puis de plus en plus accentués, qui te feront pousser de petits cris. Mais tu t'y feras vite et c'est alors que je te proposerai quelques manoeuvres un peu plus osées. Je te parlerai à l'aide d'un walkie-talkie que j'aurai pris soin d'apporter. Tu tourneras vers moi un regard un peu craintif et je clignerai des yeux pour te rassurer et te dirai de te sangler solidement. Nous entreprendrons, graduellement faut-il le dire, des tonneaux enchaînés, des montées vertigineuses et des descentes en vrilles, moteur éteint. Je sourirai en t'entendant pousser des cris aigus de frayeur qui feront bientôt place à tes fous rires.

Toutes ces cabrioles nous amèneront à la fin du jour. Je virerai alors cap à l'ouest pour voler droit vers le soleil qui baissera sur la ligne d'horizon.

Écoute, je te concède que mon appareil est assez bruyant et peu confortable même si, comme je te l’ai dit, j’aurai pris soin de glisser un petit coussin sous tes fesses. Par contre, il faut le voir pour ce qu’il est : un oiseau de rêve. Une fois élancés dans les airs, il s’agit d’oublier la terre et ses tracasseries, petites et grandes. Se concentrer sur la beauté des ailes de libellule de notre engin, la délicatesse de la membrure qui sous-tend sa voilure, son courage de tenir l’air malgré sa fragilité. Puis, porter son regard sur le ciel tout autour et éprouver jusqu’au fond de ses tripes un incomparable sentiment de liberté. Se détendre de la pointe des cheveux jusqu’au bout des orteils et sentir qu’on ne fait qu’un avec l’univers, que l’appareil pourrait s’évanouir et qu’on continuerait de flotter indéfiniment. Sentir une paix suprême et une joie sans ombre nous envahir.

Je te dirai de fermer les yeux et te raconterai que nous irons sillonner les replis du firmament. Que, la nuit venue, nous monterons droit vers les étoiles. Que nous louvoierons entre les galaxies, évitant soigneusement les trous noirs, ces impitoyables dévoreurs. Que nous découvrirons de nouveaux mondes et planterons nos drapeaux sur de jeunes planètes.

Je t'expliquerai aussi que la force d'attraction des astres que nous côtoierons nous propulsera graduellement à la vitesse de la lumière. Et qu'alors, comme nous l'a promis Einstein, le temps qui nous enveloppe se déformera. Que nos jours s'étireront, que nous cesserons de vieillir et que, projetés dans le passé, je crois même que nous rajeunirons.

Pour ce qui est de visiter le pays du Bon Dieu dont tu me parles si souvent, ça aussi notre biplan peut nous y amener. Mais il faut être prêt à un grand sacrifice : celui de la vie. Il suffit de couper les gaz, de planer un petit moment en se laissant porter par notre élan, puis se mettre à piquer du nez et entrer dans une vrille spectaculaire et enivrante, pour finalement s’écraser dans un champ de patates du comté de Portneuf. Là, quand tu sors de l’aéroplane, tu as l’impression de marcher dans la mousse. Tu te frottes un peu les yeux puis tu te rends compte que tu es passée de l’autre bord de la clôture et que tu patauges dans les nuages en t’enfonçant jusqu’aux cuisses. Le temps de te mettre les mains en visière pour te protéger du soleil éblouissant et, peu à peu, tu te rends compte que cette lumière aveuglante, ce n’est pas le soleil. C’est le Bon Dieu lui-même en personne, assis là-bas sur un gros nuage blanc. Il te regarde d’un air attendri et un peu moqueur pour te dire que ce long et parfois difficile voyage sur terre n’était qu’un bon tour qu’il t’avait joué. Puis, te remettant peu à peu de tes émotions, tu verras apparaître, quelque peu vaporeux au début mais de plus en plus définis au fur et à mesure que ton cœur menacera d’éclater, tous ces amis et ces amours de ta vie passée, regroupés là pour t’accueillir dans leurs bras.

C'est ainsi, qu'à la fin du voyage, je t'emmènerai, si tu le veux, de l'autre côté du temps, pour visiter ceux qui sont partis et ne sont jamais revenus. Peut-être ne reviendrons-nous jamais nous non plus. Et pour cause. Oserai-je t'avouer qu'en faisant toutes nos pirouettes nous aurons perdu notre train d'atterrissage?

Peu nous importera. Nous n’aurons peur de rien car nous aurons vingt ans et nous nous tiendrons par la main.

Qui donc a fabriqué l'univers?

Mes ancrages - Capsule No 4

Qui donc a fabriqué l’univers?

Si on s’en remet à la Bible, c’est le Dieu tout-puissant des Juifs et des Chrétiens qui, comme l’explique la Genèse dans un langage fort poétique, s’est lancé un bon matin dans un bricolage de tous les diables (oups! peut-on parler ainsi de Dieu?) pour créer les eaux, la terre, la lumière, les animaux, les plantes, bref, toute la création et terminer par ces deux chefs d’œuvre que sont l’homme et la femme.

Aujourd’hui, nous avons assez de maturité pour savoir qu’il s’agit d’une narration poétique qu’il ne faut surtout pas lire comme un récit historique. Alors, comment s’est donc passé ce commencement des temps?

Pour tout dire, on n’en sait rien.

La théorie qui prévaut de nos jours est celle du Big Bang : un vide total de matière ne laissant place qu’à l’énergie qui, soudain, se transforme en matière (c’est Einstein qui nous a appris que l’énergie peut se convertir en matière). Mais une matière informe, chaude et aveuglante où des particules furieusement agitées se livrent une lutte à finir dont les survivantes se disperseront à des vitesses foudroyantes pour remplir le vide de l’espace où, après des millions d’années, elles finiront par s’agglutiner pour former de vastes amas de gaz et de poussières (les galaxies) où germeront les étoiles et les planètes.

Dieu de dieu, direz-vous, redites-moi ça un peu. C’est là une histoire encore plus incroyable que celle de la Bible, non? Non!

On sait ces choses parce qu’un de ces jours un dénommé Hubble (dont le télescope spatial porte le nom) a découvert que les vastes troupeaux de galaxies qui peuplent le ciel s’éloignaient les unes des autres à des vitesses incroyables. On s’est alors dit que, si on tournait le film à l’envers, toutes ces galaxies et les astres qui les peuplent ont bien dû, un bon jour, se retrouver regroupées en un seul point.

Cette théorie sur un univers en fuite depuis l’explosion du Big Bang a soulevé bien des controverses comme on peut l’imaginer car, depuis Aristote, on croyait que l’univers était figé. Mais les découvertes ultérieures (dont je reparlerai peut-être un jour dans une de mes capsules astronomiques) ont prouvé que la théorie du Big Bang avait des fondements solides.

On sait donc (du moins jusqu’à preuve du contraire) que notre univers est germé de rien ou, plutôt, d’une énergie qui s’est convertie en matière. On sait aussi (comme nous l’avons vu dans les capsules précédentes) que toute la matière (y compris nos propres corps) est faite d’atomes et que ces atomes ont presque été tous forgés au cœur des étoiles.
Mais, pour en revenir à nos moutons, d’où donc est venue cette énergie qui a donné naissance à la matière?

Ça, on n’en sait rien.

Questions subsidiaire : comment se fait-il que cette matière, si informe à ses débuts, ait fini par s’organiser jusqu’à créer des plantes, des bêtes et même des êtres humains dotés d’intelligence et de conscience?

Eh bien, Darwin est venu nous apprendre que ce sont les lois de l’évolution qui, par un processus de sélection naturelle, ont permis à la matière de s’organiser ainsi. Mais qui donc fait jouer ces lois de l’évolution?

Ça, on n’en sait rien non plus.

Mystère, mystère, mystère!

Ne manquez pas la suite de cette palpitante aventure de l’homme sur son fragile esquif. Cette suite viendra un de ces jours où je me lèverai du bon côté du lit.

samedi 18 avril 2009

La chevauchée fantastique

mercredi 10 décembre 2008

La chevauchée fantastique

Piaffant d’impatience
Queues battant les flancs
Nos chevaux nous attendent

D’un seul et même élan
Nous sauterons à la croupe
De ces coursiers fougueux

Les monterons à cru
Pour partir au galop
Conquérir l’univers
D’étoiles en étoiles
Au bruit de leurs sabots

Les astres éclatant
Et faisant jaillir
Des gerbes d’étincelles
Sous nos pas fracassants

Publié par Jean Marcoux à l'adresse 17:27 1 commentaires

La passe-murailles

Lettre à mon petit-fils
lundi 8 décembre 2008

Mon cher Yannick,
Ce matin, laisse-moi te conter la dernière cascade de ta grand-mère.

Aventurière comme tu la connais, elle a voulu tenter le coup du passe muraille. Alors, l'autre nuit, elle a commencé par une tentative de guidage grâce aux ondes du cerveau. Donc, lorsqu'elle s'est levée pour ses besoins nocturnes, elle s'est dirigée vers la salle de bains, les yeux fermés bien durs. Ça a très bien fonctionné, même qu'elle a fait la chose en plein dans le mille.

Rendue téméraire par ce premier succès, elle a entrepris le retour en montant d'un cran le niveau de difficulté: elle a décidé de jouer les passes murailles. Toujours les yeux fermés, elle a mis le cadre de porte au défi de l'empêcher de passer. Tu connais les cadres de porte, n'est-ce pas? Ce ne sont pas gens à plier l'échine facilement. Le choc fut terrible. Un-zéro pour le cadre de porte. En plein dans l'oeil gauche. Une telle violence, c'est à se demander si le cadre de porte n'avait pas pris son élan.Le résultat: un oeil gauche noirci, bleui, plissé, enflé, poché, bref amoché. Un microcosme de Nagasaki après la bombe.

Cet affrontement n'a toutefois pas eu que des désavantages. En premier lieu, ça a permis à ta grand-mère de s'acheter une sixième paire de lunettes pour cacher le cratère.Puis, aussi, elle a reçu un appel du Metropolitan Opera de New York. Le Met voudrait qu’elle vienne à New York faire photographier son œil pour le projeter sur écran géant pendant que le ténor chanterait l’air du toréador de l’opéra Carmen :Toréador, prends gar-ar-ard'à toi Un oeil noir te regarde ...«L'oeil noir», tu t'en souviens, c'est celui du taureau. Je pense qu'elle va refuser. Elle trouve que New York est une ville trop dangereuse avec tous ces chauffeurs de taxi qui roulent à des vitesses folles. Elle préfère la sécurité de son foyer ...

Elle a aussi reçu des appels de plusieurs plasticiens. Ta grand-mère a de beaux yeux verts, comme tu sais. On lui demande des photos de son œil d’avant l’accident et des photos de son œil dans son état actuel. On en ferait un montage du genre AVANT - APRÈS pour montrer son œil «avant et après» et illustrer ainsi les miracles de la chirurgie esthétique. Sauf que, dans la pub télé, l’«AVANT» paraîtra survenu avant l’«APRÈS» alors que, dans les faits, cet «AVANT» est survenu après l’«avant» bien évidemment. Me suis-tu? Mais tout ça m’importe peu car ce n’est qu’un trauma qui disparaîtra rapidement et l’après sera comme avant.

Ta grand-mère dit que je passe mon temps à compliquer les choses. N’en crois rien. C’est elle après tout qui se prend pour Don Quichotte et se lance à l’assaut des cadres de porte.

Je te serre dans mes bras,
Grand-papa
Publié par Jean Marcoux à l'adresse 10:13 3 commentaires:
Macacus (alias Yannick) a dit…Grand-papa!Je prends le temps de te lire au détour d'une page de Jean Basile. J'adore ton idée du blogue: c'est un de plus, mais c'est mon préféré. C'est que grand-maman est une Don Quichotte, et puis il y a un détail du quotidien qui me rapelle Francis Ponge: as-tu déjà lu "Le parti pris des choses"? Magnifique.Le monde est beau cette semaine, notre petit monde qui spine dans sa galaxie perdue; y'a de la douceur dans la neige qui tombe et de l'espoir dans les bras levés d'Amir Khadir. Je suis heureux, et d'autant plus de lire que vous l'êtes tout autant.J'ai hâte de vous voir, je t'embrasse.YannickP.S. J'adore "Les petits papiers"10 décembre 2008 15:29

Macacus (alias Yannick) a dit…Encore un petit quelque chose. Je viens de tomber sur un passage intéressant et, il me semble qu'en ces temps creux de l’ère Harper, une petite poussée dans le dos pour réfléchir – ou à tout le moins valoriser – la culture fait le plus grand bien. Voici.Paul Dumas, dans Lyman :« L’on se plaît à répéter dans certains ateliers que la culture nuit à l’expression artistique en interposant des réminiscences et des éléments hétérogènes entre le créateur et son œuvre. C’est là se méprendre sur le vrai sens de la culture. Celle-ci ne consiste pas, comme on le pense trop souvent en Amérique, dans une érudition de surface ou dans un savoir encyclopédique, mais elle découle d’une assimilation des notions fournies par l’étude et l’expérience. Fondée sur la réflexion et non sur la mémoire, elle est en somme un enrichissement personnel qui affine, aiguise et assouplit les facultés de l’homme. »Yannick (bis)XX

Les petits papiers

Les petits papiers
mardi 25 novembre 2008

Les petits papiers
Qu'on a froissés
Roulés en boules
Et puis jetés
Parlaient parfois
D'amour et d'amitié

Parfois aussi
Ils racontaient
L’immensité
Des galaxies
Ou la beauté
Des soirs d’été

Et maintenant
Ils dorment là
Recroquevillés
Dans nos paniers

Espérant sans le dire
Qu'une main secourable
Viendra les repêcher
Pour les défroisser
Et leur redonner vie

Peut-être alors
Des doigts habiles
Tiens, ceux d'un enfant
Les façonneront
Pour les profiler
En avions long-courriers

Qui partiront
Par les fenêtres
Porter leurs messages
Aux confins de la terre

Publié par Jean Marcoux à l'adresse 08:38 0 commentaires

La chevauchée fantastique

mercredi 10 décembre 2008

La chevauchée fantastique

Piaffant d’impatience
Queues battant les flancs
Nos chevaux nous attendent
D’un seul et même élan
Nous sauterons à la croupe
De ces coursiers fougueux
Les monterons à cru
Pour partir au galop
Conquérir l’univers
D’étoiles en étoiles
Au bruit de leurs sabots
Les astres éclatant
Et faisant jaillir
Des gerbes d’étincelles
Sous nos pas fracassants

Publié par Jean Marcoux à l'adresse 17:27 1 commentaires

Capsule astronomique No 5

Enquête policière : qui fait bouger les étoiles?
jeudi 12 février 2009

«Mais comment donc, se sont demandé les Anciens, toutes ces étoiles et tous ces astres font-ils pour tourner ainsi autour de la terre?» car il était bien évident que la terre était au centre de l’univers et que c’était le ciel qui tournait. On a imaginé toutes sortes d’explications mais c’est le brave saint Thomas d’Aquin qui, en fin de compte, a fourni la réponse indiscutable : ce sont les anges qui, du battement de leurs ailes, poussent les astres pour les faire tourner. Voilà, tout était dit…jusqu’à ce qu’un moine polonais du nom de Copernic avance timidement l’hypothèse que c’était peut-être la terre qui tournait. Pour ne pas subir les foudres du Vatican, il eut la prudence de ne faire publier sa théorie que le jour de sa mort.

Mais l’italien Galilée prit la balle au rebond et, après de longues nuits d’observation du ciel avec sa lunette astronomique, se mit à claironner imprudemment que la terre tournait autour du soleil et non l’inverse. Coup de tonnerre au sein de l’Église : la Bible disait clairement que Dieu avait arrêté le soleil pour permettre à Josué de poursuivre et exterminer ses ennemis avant la fin du jour. Il était donc bien évident que c’est le soleil qui tournait. C.Q.F.D. Et la Sainte Inquisition força Galilée à s’amender. (Il est amusant, à cet égard, de noter que ce n’est qu’en 1992 que Jean-Paul II a réhabilité Galilée).

Essentiellement, Copernic et Galilée disaient que c’était le soleil qui était au centre de l’univers (héliocentrisme) et non la terre (géocentrisme). Cette affirmation faisait aussi scandale car, non seulement elle contredisit la Bible, mais elle laissait entendre que l’homme n’était pas le nombril de l’univers, thèse sur laquelle reposait l’édifice du christianisme.

Si révolutionnaire que fut la théorie de l’héliocentrisme, elle nous fait sourire aujourd’hui alors que nous savons que le soleil n’est qu’une banale étoile perdue dans l’univers qui n’a pas vraiment de centre.

N’empêche que, au-delà de leur valeur scientifique, les découvertes de Copernic et Galilée constituaient une véritable révolution culturelle : elles annonçaient que les phénomènes célestes n’étaient pas régis par les dieux comme on le croyait depuis Aristote mais que ces phénomènes avaient des causes naturelles que l’homme pouvait arriver à comprendre s’il se donnait la peine de les observer et d’en rechercher les causes. Ce fut une révolution à la fois scientifique et culturelle qui s’attira les foudres de l’église mais aussi des milieux conservateurs chez les soi-disant esprits scientifiques de l’époque.
Publié par Jean Marcoux à l'adresse 11:36
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